Les images en provenance de l’île de Maui sont sidérantes, un territoire urbanisé qui fait partie intégrante de la première puissance économique mondiale est resté impuissant face à un gigantesque incendie qui a tout dévoré sur son passage. La cité balnéaire de Lahaina, la ville la plus ancienne de l’archipel d’Hawaï, n’est plus qu’un amas de ruines fumantes, des centaines de personnes sont mortes carbonisées ! Et cette catastrophe spectaculaire est loin d’être la seule, elle s’inscrit dans une longue liste de phénomènes extrêmes qui affectent désormais la planète et qui sont la conséquence directe ou indirecte du dérèglement climatique. Dans le nord du Canada, des incendies gigantesques ravagent les forêts et ne peuvent être maîtrisés, des villes comme celle de Yellowknife, menacées par les flammes, doivent être évacuées dans la panique et le chaos.
Au-delà des drames humains, le changement de climat et ses conséquences bouleversent désormais notre univers mental, rendant obsolètes toutes nos références géographiques. Les cartes postales de notre enfance n’y résistent pas, les paysages exotiques de nos livres de géographie, illustrations de la beauté et de la diversité de la Terre,, peuvent être considérablement modifiés, chamboulés, voire rayés de la carte.
L’anormal, l’extraordinaire, fait maintenant partie de la météorologie quotidienne : des vagues de chaleur suffocante peuvent alterner avec des périodes de fraîcheur inhabituelle, des gouttes froides succéder aux dômes de chaleur, des inondations à la sécheresse. On dirait que l’atmosphère est en ébullition ou du moins en émulsion, sans doute un effet du “climate boiling” selon l’expression du secrétaire général des Nations Unies.
La nature souffre et nous allons souffrir avec elle car nous ne pouvons pas nous en affranchir.
Aujourd’hui, l'accélération ainsi que l’enchevêtrement des fléaux dont l’homme est responsable devrait nous alarmer, provoquer un émoi et une mobilisation générale.
Le changement que nous vivons est en passe de devenir un véritable basculement, un mouvement brusque qui rend l’adaptation beaucoup plus difficile voire impossible par manque de temps. Le basculement est souvent synonyme de chute.
L’émotion est là, mais fugitive et sans entraîner de véritable réaction, à l’image de Catherine Colonna, ministre des affaires étrangères, qui, dans un élan compassionnel dérisoire, adresse aux populations sinistrées des régions du nord canadien, en proie aux flammes, un vibrant “ nous sommes de tout coeur avec vous”. Membre d’un gouvernement dont l’inaction climatique a été condamnée, Catherine Colonna n’offre que sa compassion, c’est à dire de la communication attristée à défaut d’une politique volontariste de prévention.
Globalement, face à cet énorme défi, face à cet enjeu existentiel, l'humanité ne change pas ou si peu !
Les dirigeants des pays riches et surconsommateurs persistent dans la même voie, ils n’ont qu’une idée en tête : relancer l’économie et la croissance. Soumises à l’emprise d’un capitalisme hypertrophié et dominateur, les populations de ces mêmes pays sont toujours prisonnières du même mode de vie : produire de l’indispensable mais aussi du superflu pour pouvoir consommer, il arrive d’ailleurs bien souvent que certain.e.s ne produisent que du superflu voire du nuisible pour ne consommer que du strictement indispensable.
Chacun est accaparé par ses petits soucis du court terme et laisse de côté les enjeux cruciaux du long terme. Pendant cette période estivale, combien de vacanciers pour espérer toujours et encore du soleil dans des régions dévastées par la sécheresse ?!
Le dérèglement climatique est aussi le signe d’un dérèglement des esprits, sans doute orchestré, provoqué par le dérèglement de la vie politique, dominée presque partout dans le monde par une caste d’arrivistes sans scrupule, fort peu soucieux de l’intérêt général.
En France, que Gérald Darmanin, le ministre de l'Intérieur qui trouve que “madame Le Pen est dans la mollesse”, qui s’étouffe quand il entend le mot “violences policières, qui réprime systématiquement tous les mouvements de protestation sociale et écologique, qui considère que les Soulèvements de la Terre sont un mouvement qui relève de l’écoterrorisme, qui mène globalement une politique haineuse, attentatoire aux libertés publiques, et qui tourne le dos aux enjeux climatiques, puisse ambitionner dans une interview accordée au Figaro de se présenter à la prochaine élection présidentielle est le dernier signe du grand dérèglement de notre vie démocratique et sociale. Adoubé par le délinquant Nicolas Sarkozy et qualifié par Emmanuel Macron de "meilleur de sa génération”, cet archétype de l’arriviste sans scrupule a sans doute, compte tenu de l’évolution droitière de la sphère médiatique, quelques chances de succès, un signe supplémentaire de dérèglement.