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Billet de blog 19 mars 2011

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Bousculer le dogme

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58 centrales nucléaires en activité sur le territoire français sur un total de 441 dans le monde. La France détient le record mondial de production d’électricité nucléaire par habitant. Nous sommes un pays nucléarisé, où chaque foyer n’est jamais très éloigné d’un réacteur, et donc potentiellement sinistré par un accident majeur. La catastrophe de Fukushima nous rappelle ces données factuelles et nous renvoie à notre propre condition de prisonnier d’une énergie atomique qui s’est imposée et développée avec la complicité des gouvernements successifs depuis plus de trente ans. Les tours de refroidissement qui marquent de leurs fumées blanches l’existence des centrales se sont installées dans nos paysages à la fin des années 70, sans débat démocratique (provoquant d’ailleurs les premières résistances déterminées à une certaine forme de progrès de la part d’un mouvement écologiste naissant). Ces cheminées gigantesques sont les balises d’un monde qui a basculé dans une modernité froide et déshumanisée. Le choix nucléaire fait planer au-dessus de chaque tête une épée de Damoclès invisible mais qui irradie l’ensemble de la société de ses effets délétères. Car le nucléaire est bien plus qu’une technologie dangereuse : c’est un totalitarisme qui engendre opacité, mensonges et manipulations, et qui dispose de serviteurs zélés, de religieux prêts à excommunier toute pensée dissidente. Il faut bien sûr commencer par éradiquer le doute ; la foi dans le nucléaire ne saurait être ébranlée par un séisme japonais . Ce qui se déroule en ce moment au Japon n’est pas transposable, la France ne connaît pas les tremblements de terre de magnitude 9, la technologie française est la plus sûre au monde, la France est différente, la France maîtrise et domine le risque.

Il faut ensuite clore le débat avant même qu’il ait commencé: « La France ne se passera pas du nucléaire », « Je ne suis pas sûr qu’un référendum fasse avancer les choses ». . . Alain Juppé avec toute sa morgue habituelle symbolise bien le refus de toute remise en question des choix énergétiques par la classe politique dominante, droite et gauche confondues. Ce déni de démocratie permanent est une des caractéristique de notre République où la majorité des décisions qui concernent notre cadre de vie et qui ont parfois des conséquences sur le très long terme sont prises sans aucune concertation, dans le secret des cabinets ministériels et sous le couvert de rapports d’expertise. En France, le nucléaire est le totem d’une civilisation technicienne qui échappe à tout contrôle citoyen. Dans ce domaine, les grands corps de l’Etat comme le corps des mines, détenteurs du savoir, grands prêtres de la technique, peu réceptifs à la contradiction, officient en secret et délivrent aux décideurs une expertise qui tient lieu de sésame et contribue à exonérer les politiques de toute responsabilité.

Au final, le citoyen subit un pouvoir anonyme contre lequel il est difficile de lutter. Mais l’imprévisible survient et les rapports de force se modifient. La catastrophe de Fukushima, par son ampleur et son retentissement, éveille les consciences et devrait renforcer considérablement le camp des sceptiques et des opposants au nucléaire. Souhaitons que cet événement permette au moins de questionner dans un premier temps un des dogmes les plus établis de la technocratie française.

Jean-Luc Gasnier

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