“Le solaire avance et la forêt recule” : cela pourrait être le nouveau slogan de la région Nouvelle Aquitaine où les fermes solaires se développent sur des espaces confisqués à la forêt. La nouvelle Aquitaine est de loin la première région française en terme de production photovoltaïque et de fermes solaires installées : entre 2009 et 2020, 4000 ha d’espaces Naturels Agricoles et Forestiers (NAF) ont été sacrifiés à ce nouvel eldorado pour des firmes comme Engie ou Néoen. La centrale de Cestas qui s’étend sur 300 ha est la plus importante de France et le projet Horizeo dont les demandes d’autorisation environnementales et le permis de construire viennent d’être déposés nécessitera une coupe rase de 700 ha de forêt ; s’il va jusqu’à son terme, ce sera le plus grand parc photovoltaïque d’Europe ( *).
Paradoxalement, la dégradation de notre environnement s’intensifie donc avec la lutte contre le réchauffement climatique. Le système dans lequel nous sommes plongés nous propose des portes de sortie illusoires qui ouvrent sur de nouveaux désastres. La fragilisation des écosystèmes et l’effondrement de la biodiversité ne résultent pas seulement de la modification des climats mais avant tout de la destruction des habitats naturels et de la pollution chimique.
En régime capitaliste et dans une société de croissance qui refuse la sobriété, la nécessité de réduire nos émissions de gaz à effet de serre aboutit au techno-solutionnisme c’est à dire à la mise en place de toute une panoplie de procédés techniques : éolien, solaire, nucléaire, etc, qui n’ont pour but que d’ assurer la continuité d’un système économique basé sur l’exploitation de l’homme et de la nature et qui entraînent inévitablement d’autres pollutions et nuisances. Ces technologies, développées par de grandes firmes qui en tirent profit, sont autant de technologies verrou ( selon la terminologie d’André Gorz) qui nous aliènent, nous asservissent et nous enferment de plus en plus dans une société marchande qui déborde de trop-plein et augmentent finalement notre addiction à un “progrès” délétère. Notre conversion aux véhicules électriques, aux innovations numériques et connectées de toutes sortes qui nous promettent une consommation énergétique optimisée est loin d’être écologique. Même vantée et stimulée par une communication gouvernementale trompeuse, elle ne rend pas notre consommation durable. il n’y a pas d’énergie propre, le remède peut être pire que le mal. Pour produire une énergie soi-disant décarbonée, les fermes solaires engendrent une terrible pollution minière en amont ( à cause de l’extraction des matériaux nécessaires à la fabrication des panneaux photovoltaïques) d’autant plus sournoise et dangereuse qu’elle est invisible au stade du fonctionnement. Même si elles émettent moins de CO2, les énergies dites vertes sont polluantes et surtout fournissent l’ alibi indispensable à l’oligarchie dominante pour continuer à imposer le modèle économique actuel qui lui est si favorable. Il faudrait pourtant de toute urgence s’engager au minimum dans la voie de la modération et renoncer à un mode de vie qui n’est ni généralisable, ni prolongeable dans le temps .
La forêt d’Aquitaine, même si elle a évolué et s’est appauvrie du point de vue de sa biodiversité sous la pression des industries du bois et notamment des papeteries, absorbe naturellement du CO2 et abrite toute une vie sauvage.
Décarboner l’économie avec des fermes solaires en lieu et place de la forêt aboutit à stériliser des sols vivants, à remplacer des arbres, des plantes, des animaux par un univers minéral pour pouvoir alimenter la 5G et la boursouflure des réseaux sociaux, développer l’IA et la société de surveillance, engorger les routes et les centres villes de gros SUV électriques, etc. Quelle absurdité et quelle fuite en avant délirante ! Mais la bourse se porte bien, c’est sans doute l’essentiel pour tous les grands prédateurs qui nous gouvernent et qui semblent animés d’une pulsion de mort.