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Billet de blog 19 juillet 2016

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Une classe politique radicalisée dans l’instant

Un nouvel attentat et c'est la fuite en avant d'un pouvoir qui refuse de remettre en question une politique sécuritaire inefficace et dangereuse. Les médias britanniques pointent du doigt une société française ou règne une forme d'apartheid.

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Le 14 juillet, c’est une tradition, la France étale sa puissance militaire ; nos troupes et nos matériels défilent sur les champs Elysées devant le gouvernement au grand complet et une myriade de petits drapeaux qui s’agitent, heureux, baignant dans l’air du temps. L’Euro 2016 vient tout juste de se terminer et le patriotisme ne demande qu’à s’exalter. Sur des théâtres d’opérations extérieures, dans des territoires lointains, cette armée et cet armement sèment la terreur et la mort parmi nos ennemis ou les ennemis de nos amis, ou bien encore les ennemis de nos clients ce qui est sans doute le cas le plus fréquent. Et il ne s’agit pas là de terrorisme artisanal mais véritablement d’une industrie de la mort qui emploie des centaines de milliers de personnes et qui diffuse ses produits et ses méthodes dans toutes les régions du globe. Comme dans toute industrie, un marketing bien ficelé permet d’en vendre toujours plus et avec bonne conscience : la défense de la liberté, des droits de l’homme, des valeurs universelles, accompagnent  toujours nos armées et nos équipements.

Cette année, puisque nous sommes en guerre, le grand chef des armées a décidé de mettre le paquet, de convoquer toutes les unités et les différents corps qui sont sur le terrain, qui nous défendent, qui nous protègent, qui nous assurent un avenir paisible. Les gardiens de prison sont là, signifiant bien que l’ennemi est aussi intérieur.

L’espace d’un défilé, la France se glorifie et se sent invincible.

Le soir même, un homme, muni d’un camion frigorifique, fonce dans la foule massée sur la Promenade des Anglais à Nice, écrabouillant sans discernement, tuant à la volée, en masse, sur la lancée de son engin, dans une rage aveugle et démesurée.

Il s’appelait Mohamed,  « il mangeait du porc, buvait de l’alcool et ne faisait pas la prière ! ».  Il était apparemment indifférent aux choses de la religion mais c’était un fou de Dieu radicalisé puisque Daesh et les autorités françaises semblent en avoir décidé ainsi.

Il s’appelait Mohamed, il était musulman, et c’est donc une estampille largement suffisante pour les uns comme pour les autres.

Mais après tout, la signature religieuse de l’acte est-elle bien importante ? Le terrorisme frelaté d’un Mohamed niçois peut être tout aussi meurtrier que celui dûment revendiqué des frères Kouachi. Pour comprendre et prévenir ces actes terroristes, il conviendrait sans doute de s’intéresser à leurs racines profondes. Et aujourd’hui, la société française, et tout particulièrement son appareil politique, paraît bien incapable de le faire.

Pour tenter de décrypter  ce qui se passe sur notre sol, il est sans doute utile  d’écouter les commentaires des journalistes étrangers qui s’intéressent à notre spécificité et notamment aux raisons pour lesquelles  la France est exposée, plus que tout autre pays européen, aux attaques d’islamistes radicaux ou de musulmans en souffrance. Vue d’outre-Manche, une particularité de la  société française pourrait bien être la cause principale de cette hécatombe terroriste. Et pour désigner cette singularité, un mot, un terrible mot a souvent été employé par les experts venus commenter l’évènement sur les chaînes britanniques – et notamment sur la BBC - et ce mot honteux, notamment pour la patrie des droits de l’homme et du citoyen, est : «apartheid ». Pour nos voisins qui ont une tradition différente en matière de multiculturalisme, les musulmans français ne font pas réellement partie de la communauté nationale : ils ne peuvent s’y sentir réellement égaux en droit et en dignité. Le terrorisme y trouve là, sans doute, un terreau particulièrement fertile ; il lui suffit d’exploiter au mieux frustration et déshérence personnelle.

Il s’agit là d'un constat qui ne dit rien sur les causes profondes de cet état de fait et sur les responsabilités des uns et des autres mais qui peut guider une action politique correctrice.

Or, après cet abominable attentat, le discours de nos politiciens s’est radicalisé dans l’instant. Incantatoire, ne formulant aucune analyse, il est prisonnier de son aveuglement et de ses erreurs passées.

Un cycle infernal semble enclenché, nourri de ses propres forces obscures qui ne permettent  pas la réflexion et le questionnement d’une stratégie en échec.

L’état d’urgence est prolongé, les Conseils de défense s’enchaînent et succèdent aux réunions de crise, l’opération « Sentinelle » est renforcée, les réservistes sont rappelés, les déclarations guerrières fusent de tous côtés.

"Nous allons intensifier nos frappes en Syrie et en Irak. Nous continuerons de frapper ceux qui nous menacent"

François Hollande et son gouvernement préparent déjà le prochain défilé militaire, laissant les citoyens démunis face à la menace terroriste.

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