« La gauche française au pouvoir s’est cantonnée en matière économique dans la gestion à court terme et dans la défense (ce qui n’est déjà pas si mal) de ce qui restait de ses valeurs. Convertie à la crédibilité internationale, surnageant dans la vague libérale, elle s’est placée sur le terrain de l’adversaire et s’y est naturellement trouvée progressivement démunie. (…) Plus profondément, les objectifs d’une politique de gauche, à être sans cesse repoussés au-delà des résultats d’une période de rigueur qui ne s’arrête jamais, deviennent illisibles, peu crédibles, voire introuvables » François Hollande et Pierre Moscovici dans L’heure des choix (Odile Jacob)
Après les années folles du sarkozisme, les auteurs de ce petit réquisitoire contre une gauche de gouvernement gagnée aux idées libérales se retrouvent au pouvoir. Pour le MEDEF et pour tous les libéraux, le choc s’annonce rude ; déjà certains des leurs choisissent l’exil afin de protéger ce qu’ils ont de plus cher. Une terrible période se profile pour le capitalisme français.
Et il faut bien reconnaître que les premières mesures fiscales sont d’une violence inouïe : relèvement de la tranche supérieure d’imposition à 45% , imposition exceptionnelle et confiscatoire à hauteur de 75% sur les revenus du travail dépassant un million d’euros ( 2 millions pour un ménage), taxation accrue des stocks-options et des distributions d’actions gratuites, . . .
Le capital serait aux abois ; d’après Laurence Parisot, « certains patrons sont dans un état de semi-panique ». Evidemment, « vouloir aligner la fiscalité du capital sur celle du travail , cela procède d’une profonde erreur de raisonnement économique ».
Heureusement, le Président François Hollande et le gouvernement de Jean-Marc AYRAULT sont à l’écoute des populations patronales et deux évènements récents laissent à penser qu’ils ne sont pas réellement dangereux pour la finance. Nos capitalistes nationaux peuvent espérer continuer à vivre dignement de leur patrimoine et des fruits de leurs placements industriels et financiers. Leur travail de lobbying est efficace et il va probablement encore s’intensifier.
Le premier signe positif vient d’être adressé aux éléments les plus dynamiques de notre économie. Après avoir fait circuler une pétition sur le net, « les pigeons », ces jeunes entrepreneurs qui redoutaient une augmentation de la taxe sur les plus-values de cessions, ont obtenu gain de cause. Nos précieux volatiles ont crié très fort avant d’avoir mal et le gouvernement a pris peur, prenant conscience de la brutalité de son projet. Cette jeunesse méritante continuera à être récompensée en empochant sans trop de pression fiscale les gains obtenus grâce à la revente de leurs « start-up » (un cadeau du ministère du budget estimé globalement à 750 millions d’euros), c’est bien le moins que l’on pouvait attendre de la part d’un Président qui a fait justement de la jeunesse une priorité de son quinquennat.
Le second signe tout aussi probant et démonstratif concerne l’aéroport de Notre Dame des Landes. Le « nettoyage » de la zone concernée par les futurs travaux a commencé. Les CRS envoyés sur place semblent faire preuve d’une extrême fermeté. Les milieux d’affaires nantais, les entreprises de travaux publics et tous les turbo-cadres de notre économie sont satisfaits.
Il n’était pas tolérable de laisser une bande de fermiers rétrogrades et d’alternatifs attardés continuer à vivre de l’exploitation de terrains agricoles, ni de préserver du business quelques vagues friches d’intérêt écologique, ces richesses là sont méprisables. L’arrêt des expulsions jusqu’à l’épuisement des recours n’est pas respecté et c’est une bonne chose : par les temps qui courent, le gouvernement se doit de montrer l’exemple, il serait vraiment dommageable pour l’ économie que nos patrons se sentent tenus vis-à-vis de leurs « partenaires » par d’éventuels accords.
Soyons optimistes : en ce début d’automne, tout semble rentrer dans l’ordre . . . libéral.