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Billet de blog 20 avril 2013

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La poudre aux yeux en attendant le bel idéal

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Après la faute morale inexcusable de Jérôme Cahuzac, la publication des patrimoines de nos ministres paraît davantage relever d’une forme d’expiation collective commandée par la présidence pour calmer l’opinion publique que d’une démarche honnête et exigeante de moralisation de la vie politique. Il fallait donner à voir, exhiber, mettre à nu le cœur de l’Etat pour effacer la dissimulation, le  mensonge  et la trahison. Il fallait ce coup d’éclat opportuniste pour permettre  à l’équipe gouvernementale de conserver un minimum de crédit, pour ne pas sombrer «  en bloc et en détail » dans le déshonneur et la crise de confiance. Il fallait ce spectacle pour apaiser les passions. Mais « la République exemplaire » attendra d’autres mesures plus probantes.

Car cette transparence affichée - les comptes courants et comptes épargne des ministres sont détaillés au centime d’euros près sur leur déclaration de situation patrimoniale au 31/03/13 - permet le regard inquisiteur des citoyens sur « la fortune » des ministres mais laisse dans l’ombre l’essentiel. Bien plus que la nature des biens détenus, choses insignifiantes, ce sont les rémunérations actuelles et passées ,leur nature, leurs justifications et leurs évolutions qui sont en mesure de renseigner le citoyen sur des liens de sujétion éventuels et les faiblesses potentielles d’un ministre. Le parcours est plus instructif que le point d’arrivée. La fortune d’un homme politique, prétendument évaluée à l’euro près, ne peut  nous renseigner sur sa probité, tout juste nous permet-elle d’apprécier sa plus ou moins grande proximité de classe avec ses concitoyens, et sans trop se nourrir d’illusions : les  dirigeants de la Vème République doivent souvent faire preuve d’imagination ou, dans le meilleur des cas, puiser dans leurs souvenirs pour  « se mettre à niveau » et se représenter  les préoccupations et les contraintes de leurs administrés.

En  donnant à voir  le patrimoine de quelques ministres, le sommet de l’Etat se contente pour l’instant de jeter de la poudre aux yeux des citoyens. Cette soudaine transparence n’est pas un gage de sérieux des comptes publics. Les exigences d’«une république exemplaire» sont d’une autre nature. Elles concernent notamment la collecte et l’utilisation des deniers publics : dans «une république exemplaire » l’impôt « doit être également réparti entre les citoyens, en raison de leurs facultés » ( article 13 de la Déclaration des droits de l’homme de 1789) et  le moindre euro doit servir l’intérêt  général ; le consentement à l’impôt s’appuie notamment sur ses principes qui, de toute évidence, ne sont pas respectés dans la république de 2013.

 Aujourd’hui, notre système fiscal est injuste et, sous la pression croissante des lobbies, des  dépenses publiques particulièrement lourdes sont engagées pour faciliter ou développer des activités de sociétés privées et satisfaire des intérêts catégoriels.

Si une grande réforme fiscale s’avère plus que jamais nécessaire, la multiplication des grands projets inutiles et des « P.P.P » ( Partenariat Public Privé) illustre l’urgence d’une révision des politiques publiques en vue de les soumettre davantage à l’intérêt général. Dans beaucoup de domaines, et parfois de façon insidieuse, l’Etat adopte un point de vue tronqué et partisan, celui des grandes entreprises ou des syndicats professionnels les plus puissants.

Et il ne faut visiblement pas compter sur Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture  et proche de François Hollande, pour remettre en cause ce type de fonctionnement et changer de vision politique. Ainsi, alors que le tribunal administratif de Rennes  vient de confirmer la responsabilité de l’Etat dans le développement des algues vertes en le condamnant à verser plus de 7 millions d'euros au Conseil général des Côtes-d'Armor, Mr Le ministre veut toujours plus de cochons en Bretagne.

En effet, Stéphane Le Foll vient de recevoir les représentants de la filière porcine (le lundi 15 avril, 3 jours après la décision du tribunal de Rennes ) et leur a promis une modification des normes environnementales reprenant à son compte, mais sans le dire, la célèbre formule de Sarkozy  « l ’environnement ça commence à bien faire ! » . Ainsi peut-on lire dans le journal « Ouest France » que « le plan d'avenir de la filière porcine française va se traduire par l'allégement des contraintes concernant les installations classées. Un régime d'enregistrement devrait remplacer les enquêtes publiques lors d'un agrandissement ou d'une installation. » Selon Stéphane Le Foll, cette simplification des règles devrait permettre de  relancer la production : «En 2010, on avait 25 millions de porcs, on est aujourd'hui à 23 millions. Nous avons perdu deux millions de porcs. Cela représente un abattoir»

Traduit dans le langage des communicants que maîtrise parfaitement le ministre, il s’agit bien sûr de  concilier performance économique et performance écologique : «  Je me bats pour faire comprendre que la performance économique n’est pas incompatible avec la performance écologique, faire comprendre que c’est possible de produire du porc en Bretagne » ( Stéphane Le Foll au micro de France Culture)

Dans l’esprit du ministre, la performance économique signifie économie d’échelle, allègement des normes, réduction des coûts et compétitivité  pour les entreprises de la filière porcine  tandis que la performance écologique entraine nécessairement dépollution et traitements supplémentaires pour le plus grand bénéfice de groupes comme Suez ou Veolia. Cette politique admirable engendre chaque année un surcoût de plusieurs centaines de millions d’euros supporté par la collectivité afin de respecter les seuils règlementaires concernant les nitrates dans l’eau potable.  Mais peut-être conviendrait-il de supprimer ces normes stupides de potabilité ? 

« La République exemplaire » est un bel idéal. . .

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