La conférence environnementale des 14 et 15 septembre devait, paraît-il, ouvrir la voie à la transition écologique ; elle a surtout officialisé « la transition écologique » d’EELV (devenu « le parti de la mise aux normes énergétiques ») qui assume désormais crânement et fièrement une orientation libérale destinée à faire de l’environnement et plus généralement de tous les secteurs du vivant un marché pour le secteur privé. Dès l’ouverture de la conférence, le capitalisme vert a été fièrement porté sur les fonds baptismaux par François Hollande sous les regards attendris de la ministre des territoires et du logement Cécile Duflot, marraine politique de ce nouvel avatar de l’écologie.
La tonalité générale de cette réunion, très transversale dans son organisation, fut économique. Derrière la confirmation de la fermeture – bien tardive – de la centrale nucléaire de Fessenheim, le refus de sept permis - d’ailleurs illégaux et donc voués à l’échec - de recherche de gaz de schiste, la création d’une « Agence nationale de la Biodiversité », et quelques pseudo-annonces consistant à promettre que les services de l’Etat vont désormais se conformer à la règlementation existante, le Président de la République et son premier ministre ont surtout voulu, comme le rappellent tous les médias, populariser l’idée que « la protection de l’environnement est un levier de développement économique ». La principale annonce dans ce domaine, la mise aux normes énergétiques d’un million de logements par an, est effectivement un marché énorme pour les entreprises du bâtiment mais une meilleure maîtrise des rendements et des flux thermiques n’est pas forcément le signe d’une société réellement plus sobre et plus écologique et ne donne pas « un nouveau sens » à l’Europe. La vraie sobriété énergétique passe par la remise en question de nos modes de consommation et pas seulement par des dispositifs techniques permettant d'améliorer les rendements des moteurs. Mais cette sobriété n’est pas encore à l’ordre du jour : une semaine très exactement après le lancement de cette nouvelle société de transition écologique, la firme Apple va présenter officiellement en France son nouvel iphone 5 - dans un climat social dégradé - et prévoit déjà des records de vente (notre pays compte aujourd'hui autant de lignes de téléphonie mobile que d'habitants). Le recyclage des matériaux rares utilisés dans les technologies de la communication est probablement un enjeu stratégique et un nouvel axe du développement durable !
Avec de tels objectifs, et compte tenu de la bonne volonté des associations de défense de l’environnement invitées, cette conférence aurait dû être très consensuelle mais la fête a été gâchée par la mauvaise volonté des acteurs économiques et sociaux.
En face de ce nouvel eldorado, le MEDEF prend appui sur le manque de croissance pour marquer son scepticisme. Au passage, Laurence Parisot qui n’utilise pas les mêmes éléments de langage que les dirigeants de la majorité ne s’embarrasse pas de fioritures inutiles, c’est moins poétique que « la nouvelle frontière » mais plus clair : « Nous n’espérons que cela, le développement du green business. Mais avant d’avoir un retour sur investissement, avant de créer des emplois, il faut des capitaux pour lancer les projets. Nous n’avons pas des moyens aussi importants que certains le croient pour lancer actuellement toutes ces filières. Il faut pour cela de la croissance économique que nous n’avons pas aujourd’hui. » Evoquant l’austérité associée au futur pacte budgétaire, les syndicats émettent, eux aussi, des réserves, Bernard Thibault déclarant notamment : « On n’a pas les moyens humains et financiers de former tous les gens qu’il faut pour rénover un million de logements. ». La « nouvelle frontière » paraît bien éloignée et ne semble malheureusement pas constituer une destination attractive pour les acteurs sociaux qui vont jusqu’à déplorer l’abandon des forages sur les gaz de schistes ( voir ici les réactions de la CGT).
Doutant du retour de la croissance, patronat et syndicats se retrouvent donc paradoxalement sur les mêmes positions ; unis dans l’adversité, ils s’arcboutent sur une conception productiviste de l’économie, et défendent tout secteur industriel, quel que soit son impact environnemental, au nom de la sauvegarde de l’emploi. Le principe de précaution doit s’effacer devant la perspective d’une activité créatrice d’emplois. Claude Allègre, invité de l’émission « ce soir ou jamais », mercredi soir sur France3, pour débattre de l’interdiction des forages, résume bien ce sentiment d’une phrase lapidaire : « on a des chômeurs parce qu’on interdit tout »
Aujourd’hui, tout emploi polluant est bon à prendre et il est affligeant de constater une alliance objective entre syndicats et patronat sur la question environnementale. Il faudra bien en arriver un jour à poser clairement la question de l'utilité réelle des choses produites.
En attendant, nous restons dans une société imperméable à toute critique de la croissance où il convient d’habituer les citoyens à l’idée que l’amélioration de l’environnement et de notre qualité de vie est en fin de compte une affaire de technologies appropriées. Et dans ces conditions, l’entreprise est évidemment le partenaire idéal pour résoudre la crise environnementale. La toute nouvelle affaire concernant les OGM nous laisse entrevoir le monde merveilleux que nous préparent des firmes comme Monsanto ( voir ici).
Aujourd’hui, Cécile Duflot réduit l’écologie à un segment de marché particulièrement porteur pour les entreprises. Et elle célèbre l’évènement avec emphase : «Je pèse mes mots : ce discours du président de la République est historique et infiniment émouvant à entendre pour une écologiste». C’est pour François Hollande et son gouvernement un formidable laissez- passer. On savait que Cécile Duflot ne serait pas une ministre démissionnaire, on sait désormais qu’elle « ouvrira sa gueule » pour applaudir aux mauvais coups.