Le débat budgétaire s'ouvre au Parlement. A la veille de cette ouverture, une nouvelle a été abondamment relayée et commentée par les médias, reprise aussi à l'envi par tous les représentants de ce fameux bloc central bien mal nommé : après Fitch, l’agence de notation S&P a dégradé une nouvelle fois la note de la France. Et le mois prochain, ce sera probablement le tour de Moody’s.
Ces agences de notation sont tout à la fois les vigies et les pythies du monde économique, elles ne vénèrent qu’un seul dieu : le marché. Vigies, elles scrutent en permanence le système capitaliste en évaluant notamment les principaux acteurs en présence, entreprises et collectivités publiques, et leur capacité à rembourser les emprunts qu’elles ont contractés. Pythies, elles délivrent des notes qui reflètent leurs jugements et qui se transforment du même coup en prophéties auto-réalisatrices : un pays mal noté ou dont la note est dégradée voit immédiatement les taux d’intérêt qui lui sont appliqués monter et se trouve ainsi confronté à de plus grandes difficultés à rembourser sa dette, ce qui vient confirmer sa mauvaise notation.
Elles ont toutes leur siège aux USA et elles ne sont évidemment ni neutres ni indépendantes, étant liées à des hommes d’affaires influents, fers de lance d’un capitalisme financier prédateur. A titre d’exemple, l’agence Moody’s qui s’apprête à noter à son tour la France est contrôlée notamment par Warren Buffet, un investisseur et milliardaire américain ( qui vient d’ailleurs de faire une acquisition majeure dans la pétrochimie) à la tête de la 8ème capitalisation boursière au monde. Même aux USA, ces agences sont contestées et ont fait l’objet de différentes procédures judiciaires.
Ce sont surtout des porte-voix redoutables de l’idéologie néolibérale. Elles traduisent la mainmise des marchés financiers sur la vie économique et sociale. En endossant le rôle d’arbitre extérieur, elles fournissent aux pouvoirs en place un précieux prétexte, un point d’appui pour mener des politiques d’austérité qu’il est impossible d’éviter si l’on veut se prémunir contre une sanction encore plus sévère des marchés financiers et voir grossir ainsi la charge de la dette du fait de l’augmentation des taux d’intérêt. Pour le nouveau gouvernement macroniste de Sébastien Lecornu, c’est un moyen de se défausser de ses responsabilités et d’orienter le débat budgétaire qui s’engage à l’Assemblée nationale
À l’annonce de la dégradation de la note de S&P, Roland Lescure, le nouveau ministre de l’Economie et des finances, s’est empressé de saisir la belle au bond, il ne fallait pas rater l’occasion de justifier la présentation d’un budget encore plus dur que les précédents pour les classes populaires.
Roland Lescure réaffirme donc l’objectif d’une trajectoire budgétaire permettant de limiter le déficit public à 4,7 %, bien en dessous du seuil de 5 % évoqué un moment pour attendrir les socialistes. Le saccage des services publics et la réduction des aides sociales sont inévitables, c’est comme ça, il n’y a pas d’alternative, on est dans le registre de l’impérieuse nécessité ! Et il y a fort à parier que les socialistes, s’ils étaient au pouvoir, endosseraient eux aussi le costume du gestionnaire navré mais contraint.
Le pouvoir bourgeois obéit à ses maîtres, il ne songe même pas à contester l’autorité des marchés, encore moins à se rebeller, il est d’accord pour être tenu en laisse, pour être rappelé à l’ordre, il courbe l’échine, c’est un adepte de la servitude volontaire et il entend bien y soumettre l’ensemble du peuple français.