L’actualité permet parfois des rapprochements inattendus et des comparaisons édifiantes. Deux hommes courageux, deux hommes qui ont combattu pour la liberté d’expression font depuis quelques jours la une de tous les médias, tous deux victimes de systèmes très différents mais d’une même barbarie implacable.
Alexeï Navalny vient de mourir dans une geôle en Sibérie pour avoir dénoncé sans relâche la corruption et la brutalité du régime de Vladimir Poutine qui se maintient au pouvoir par l’intimidation et la terreur, allant jusqu’à éliminer physiquement ses opposants
Julian Assange qui est traqué par les Etats-unis, depuis 2010 pour avoir publié par l'intermédiaire de Wikileaks des documents classifiés démontrant l’implication de l'armée américaine et de la Maison Blanche dans des exactions et assassinats commis lors des guerres en Irak et en Afghanistan attend dans sa cellule de Belmarsh, prison de haute sécurité du Royaume-Uni, la décision de la Haute cour britannique concernant la demande d’extradition des USA. Si la Haute cour y répond favorablement, Julian Assange que l’on dit très affaibli par ses années de détention, pourrait bien mourir en prison puisqu'il encourt une peine de 175 ans d’emprisonnement !
L’ensemble des pays qui composent l’UE et notamment la France se sont émus avec juste raison du sort d’Alexeï Navalny en dénonçant la responsabilité du régime russe. Mais, parallèlement, les gouvernements européens restent bien silencieux face au sort réservé à Julian Assange, seule la société civile semble se mobiliser et protester contre l’attitude des USA.
Dans un monde fragmenté et en compétition, tous les États ont leurs secrets inavouables et sont amenés à commettre des crimes ( des crimes d’Etat justement) lorsqu’ils jugent que leurs intérêts sont menacés. Bien souvent de simples intérêts économiques suffisent à justifier l'injustifiable, sans même parler de la défense d’une identité ou de valeurs civilisationnelles. Le nationalisme se heurte automatiquement à l’universalisme et la sauvegarde des intérêts nationaux de pays réputés démocratiques et libéraux ( par opposition aux pays totalitaires) va souvent à l’encontre des valeurs dont ils se revendiquent comme par exemple la Déclaration universelle des droits de l’homme.
Pourtant, la défense des droits de l’homme et le respect du droit international ne peuvent être à géométrie variable ; il ne peut y avoir dans ces domaines deux poids deux mesures et l’intransigeance est obligatoirement la règle quand il s’agit du respect de la vie et des libertés.
Bien loin du théâtre d’opérations extérieures inavouables et qui leur demeurent étrangères, même si, dans leur vie quotidienne, les citoyens ne sont pas poursuivis pour délit d’opinion dans les pays réputés démocratiques et si ils peuvent avoir l’impression de vivre relativement librement, ils sont cependant contraints dans leurs choix et maintenus dans des cages dorées. Sans la liberté d’informer, sans la pluralité des expressions, la démocratie n’est qu’un leurre, une coquille vide qui piège des électeurs en proie à la manipulation des pouvoirs dominants. A cet égard, après la chasse impitoyable menée durant le maccarthysme à l’encontre de toutes les personnalités supposées sous influence communiste, l’ électeur américain n'a plus le choix qu’entre le libéralisme conquérant du parti démocrate et le libéralisme raciste, autoritaire et mafieux du parti réoublicain, son degré de liberté est assez réduit ! Quant à la France, elle est sur une très mauvaise pente avec une sphère médiatique entre les mains de quelques milliardaires et en particulier de Vincent Bolloré dont les chaînes de télévision sont engagées dans une promotion active et permanente des thèses de l’extrême droite.
La mort d'Alexeï Navalny ne nous a rien appris que nous ne sachions déjà sur le régime russe, nous connaissons depuis longtemps le vrai visage de Vladimir Poutine.
La traque de Julian Assange par les USA et le silence complice des nations occidentales doit nous permettre par contre de mieux prendre conscience du vrai visage de l’Amérique et de ses alliés : un visage fardé aux couleurs de la démocratie mais marqué par les stigmates de la bête immonde qui se tient en permanence tapie au coeur des Etats-nations.