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Billet de blog 22 janvier 2017

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La gifle et la marque de l’infamie

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Ce fut finalement l’évènement le plus médiatique de cette campagne des primaires socialistes : cettegifle, plus esquissée qu’appuyée, et d’ailleurs pour partie évitée, mais délivrée devant les caméras à un ancien Premier ministre. Ce fut une agression somme toute minuscule mais d’une violence exceptionnelle car, même s’il n’est plus aujourd’hui qu’un simple député en campagne,  Manuel Valls représente encore  l’autorité de l’Etat  et c’est bien cette autorité qui fut alors bafouée, méprisée  publiquement, par un jeune indépendantiste breton, venu là, sur ce parcours de  candidat à l’investiture, marquer sa désapprobation et son exaspération.  

Une petite gifle peut représenter un grand trouble à l’ordre public : « toute violence est inacceptable en démocratie » selon l’expression de Manuel Valls, et un responsable politique ne doit pas être malmené par un simple citoyen. Même lorsqu’il estime que ses intérêts sont lésés, un particulier se doit de respecter  l’intérêt général incarné par l’élu et se faire violence plutôt que de céder à la violence.

Mais quand la démocratie est outragée, quand la République est corrompue par une petite oligarchie de privilégiés, alors certains gestes peuvent être considérés comme des actes de rébellion spontanés vis-à-vis de l’ordre dominant.

 Ce geste, largement relayé et commenté sur les réseaux sociaux, pour spectaculaire qu’il soit, n’est pas véritablement surprenant : il est isolé, sans doute maladroit et inutile, mais révélateur d’un malaise profond et d’un état d’esprit général.C’est l’expression  d’un mal-être que tout le monde ressent plus ou moins confusément, une convulsion, une réaction  soudaine provoquée par les tensions grandissantes au sein de la société et une politique instituant progressivement la violence dans le fonctionnement de l’Etat. Quand un gouvernement se met délibérément au service des intérêts privés et des puissants, quand la représentation  nationale est bâillonnée et  sommée  de voter des lois qui vont à l’encontre  des engagements pris, alors la confiance et  le dialogue disparaissent  pour laisser la place à l’incompréhension et la colère. Quand l’Etat recourt à l’arbitraire, la citoyenneté se limite à l’organisation de manifestations de rue encadrées et souvent réprimées par la police. La violence est alors là, diffuse, installée durablement.

L’injustice grandit mais l’institution chargée de rendre justice demeure.Pour maintenir l’ordre établi, elle sait parfois se montrer efficace, expéditive  : trois mois de prison avec sursis et 105 heures de travail d’intérêt général pour le jeune breton coupable d’avoir giflé Manuel Valls.

Condamner la violence car « toute violence est inacceptable en démocratie ». . .

Mais qui définit la violence ?

Plus de deux ans se sont écoulés depuis le drame de Sivens et  aucune mise en examen n’a été prononcée dans ce dossier.  Les deux juges toulousaines chargées de l’instruction  s’apprêteraient à rendre une ordonnance de non lieu.

Sur la zone du projet de barrage, Rémi Fraisse,  jeune pacifiste de 21 ans, a été « giflé » le 26 octobre 2014 par la grenade d’un gendarme, il en est mort.  Mais, il n’y a pas eu là d’actes de violence condamnables,  il ne s’est finalement rien passé qui relève de la Justice. Un Etat policier entendait simplement,  au moyen d’armes de guerre, protéger par la terreur quelques arpents de terres humides convoités pour servir les intérêts de quelques gros agriculteurs irrigants  au détriment de  l’intérêt général ; quoi de plus légitime ? Manuel Valls, Premier ministre, déclarait d’ailleurs n’avoir « rien à craindre » de l’enquête car le pouvoir exécutif avait réagi « au bon moment, comme il fallait ».

A cette époque, Manuel Valls n’avait pas été giflé mais il portait déjà sur son visage la marque de l’infamie.

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