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Billet de blog 22 juin 2013

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Le loup dans la bergerie

Il arrive parfois que le social-libéralisme ne soit pas totalement compatible avec le néolibéralisme et les positions défendues par les idéologues du libre-échange. Le tollé médiatique suscité par les divergences d'approche entre Manuel Barroso et François Hollande au sujet de « l'exception culturelle » dans le cadre des futures négociations pour établir un traité de libre-échange entre les USA et l'UE nous en fournit l'illustration.

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Il arrive parfois que le social-libéralisme ne soit pas totalement compatible avec le néolibéralisme et les positions défendues par les idéologues du libre-échange. Le tollé médiatique suscité par les divergences d'approche entre Manuel Barroso et François Hollande au sujet de « l'exception culturelle » dans le cadre des futures négociations pour établir un traité de libre-échange entre les USA et l'UE nous en fournit l'illustration. Notre président conserve encore dans sa boîte à outils quelques instruments au service de principes humanistes qui s'opposent à la marchandisation systématique et à la mondialisation libérale rêvées par le président de la Commission européenne. Si le refus d'inclure les activités culturelles (et notamment l'audiovisuel) dans le mandat du Commissaire Karel de Gucht, chargé de cette négociation, n'était pas une position aussi unanimement partagée par la classe politique au niveau national, cet acte de résistance pourrait presque nous faire croire que François Hollande est encore capable de s'opposer courageusement à l'idéologie dominante des dirigeants européens et de se souvenir qu'il a été élu par le peuple de gauche.

Mais cette affaire nous rappelle également que les gouvernements européens ont engendré et élevé un monstre technocratique. Dans une Europe libérale divisée, sans véritable projet politique commun, sans cohésion, où les Etats tentent de sauvegarder leurs intérêts et développent leurs propres stratégies sans solidarité, la Commission règne en maître et n'hésite plus à mordre la main de ceux qui la nourrissent. Sans tutelle, avec pour seule ligne directrice le Pacte de stabilité et de croissance, elle admoneste les gouvernements qui ne lui paraissent pas mener une politique suffisamment orthodoxe et respecter une stricte discipline budgétaire. De fait, elle dicte sa loi aux Etats membres, accroissant le malaise et le déficit démocratique au fil de ses injonctions destinées à réduire les déficits publics. Mais c'est bien la démission politique et la soumission volontaire des responsables politiques européens aux règles édictées par le pouvoir financier, via notamment le TESCG, qui nourrit et enfle l'autorité et la puissance d'un Manuel Barroso. Pour les Etats les plus fragilisés par la crise de la dette comme la Grèce, la Commission est une sorte de « deus ex machina » qui fixe des lois d'airain relayées sur place par des hommes liges. Pour d'autres comme la France, la contrainte est moins forte mais la pression est bien là, permanente. La France vient d'en faire l'expérience désagréable à deux reprises en l'espace de quinze jours. La sortie de Manuel Barroso sur la position « réactionnaire » de la France dans le débat sur les échanges commerciaux avec les Etats-Unis avait en effet été précédée par la publication d'un document de neuf pages destiné à présenter quelques recommandations de la Commission européenne au sujet des retraites et des déficits publics. Le commissaire européen Olli Rehn, en charge des affaires économiques et monétaires, a notamment fixé le 29 mai dernier à la France de nouveaux objectifs de réduction des déficits publics et a demandé au gouvernement français, dans le but de retrouver l'équilibre du régime des retraites « en 2020 au plus tard », «d’adapter les règles d’indexation, les âges minimum et de taux plein, la période de contribution et les régimes spéciaux, mais en évitant d’augmenter les contributions des employeurs aux régimes des retraites».

Dans ce contexte, le rappel à l'ordre de François Hollande à Mr Barroso risque d'être une petite satisfaction sans lendemain. Déjà, le commissaire Karel de Gucht semble faire la sourde oreille quand il affirme « que la Commission peut à tout moment dans la négociation (avec Washington) revenir vers les Etats membres pour proposer une révision de ce mandat sur toute question ».

 Karel De Gucht est coutumier du fait puisqu'il s'était déjà fait remarquer dans le cadre de précédentes négociations ( ACTA et CETA) par son attitude méprisante à l'égard du parlement européen(lire ici) Il fait partie de ces religieux de la mondialisation qui, sous prétexte d'abaisser les barrières et les entraves à l'échange, n'hésitent pas à faire rentrer le loup dans la bergerie.

Avec un tel négociateur, les citoyens européens peuvent être confiants . . .

Déjà, on sous-entend que le volet agricole sera âprement discuté, donnant à penser que les américains ont la volonté farouche de pénétrer le marché européen avec leurs cortèges de poulets chlorés, bœufs aux hormones, semences et aliments génétiquement modifiés, et que les concessions obtenues dans certains domaines nécessiteront quelques contre parties. . .

Heureusement, Jean-Marc Ayrault, dont les opposants à Notre Dame des Landes connaissent la sensibilité écologiste et l'attachement pour le monde paysan, veille. N'a t-il pas déclaré que la négociation n'aboutira "que si l'accord est vraiment gagnant-gagnant" ?

Mais, en disant cela, s'adresse-t-il aux industriels de l'agroalimentaire et à la FNSEA, membre du MEDEF, ou aux consommateurs et aux agriculteurs de la Confédération paysanne ?

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