Si les grecs, qui s’enfoncent presque inexorablement dans la misère sous le joug de leurs créanciers et des restrictions budgétaires de tous ordres, s’avisent un jour de constituer un tribunal des fauteurs de crise, ils pourront citer à comparaître François Hollande. Notre Président, lors de sa visite de « soutien » mardi dernier, a tombé définitivement le masque pour afficher son appétit de parasite, prêt à dévorer le malade affaibli par une cure d’austérité sans précédent. L’ambition est désormais limpide, clairement revendiquée : « Le Premier Ministre depuis plusieurs semaines, depuis plusieurs mois, m’a informé de son programme de privatisation. Alors il m’a dit avec sa gentillesse habituelle, mais aussi la fermeté de ses convictions et son amitié pour la France, « Venez, entreprises françaises, participer à ce programme ». Sur le plan intellectuel, idéologique, on peut être pour ou contre les privatisations. Là n’est pas la question. C’est un programme qui est décidé par la Grèce. Il y a des opportunités. Et bien nous devons, nous les français, et les entreprises françaises, y prendre toute notre part ».Ces paroles, à verser au dossier d’accusation, témoignent d’un cynisme politique absolu mais ne sont pas véritablement surprenantes de la part d’un dirigeant que tous les commentateurs politiques s’accordent à considérer comme « pragmatique ». Quoi de plus naturel dans ces conditions que de se ranger dans le camp des vainqueurs, dans le camp des multinationales, dans le camp du marché dominateur ? « L’anti-passion » ne peut évidemment se risquer à défendre des idéologies surannées ; il faut savoir reconnaître que les entreprises - et notamment les entreprises françaises qui vont être dopées par l’application du pacte de compétitivité - sont plus aptes que l’Etat à remplir des missions de service public. Tous nos grands groupes sont sur place pour dépecer et se repaître des meilleures pièces de l’Etat grec : le groupe Vinci pour les « concessions autoroutières », Alstom pour le réseau ferré, Suez pour la régie des eaux d’Athènes, le sucrier français Cristal Union pour la reprise du monopole public sur le sucre, la Caisse des dépôts (CDC) pour la mise en place d’un fonds d’investissement, etc . . .
Sur le marché mondial des affaires, les investisseurs achètent et revendent au gré des opportunités, un jour ici, un jour là. Ce ballet incessant de rapaces s’opère avec la bénédiction de dirigeants libéraux qui jouent le rôle d’entremetteurs, de facilitateurs. En Grèce, c’est un peu la grande braderie, tout l’Etat doit disparaître . . . Et avec un SMIC à 560 € brut, c’est un eldorado à portée d’avion présidentiel pour nos patrons qui s’y ruent avec le sentiment d’être en mission officielle. La Grèce est aujourd’hui « attractive » mais encore quelques petits efforts, encore quelques mesures de réduction des dépenses, et la France le sera tout autant ; elle pourra peut-être alors plaire à Mr Maurice Taylor, le PDG américain de Titan, un « ultra-libéral » exalté, que notre ministre du redressement productif, Arnaud Montebourg, trouve désormais « extrémiste », dans une réaction de dépit outragé, après avoir fondé beaucoup d’espoir dans ce repreneur potentiel du site de Goodyear à Amiens.
L’édifice social européen menace de s’écrouler sous les coups de butoir d’un capitalisme financier que les gouvernements n’entendent pas véritablement réguler. En France, la réforme du système bancaire est mort-née. D’après Pierre Moscovici, les banques françaises n’ont pas démérité dans la crise et « le modèle de la banque universelle a fait ses preuves » ; il faut veiller « à ne pas fragiliser une industrie qui emploie plus de 300 000 personnes, qui participe au financement de l’économie, des entreprises ». Serein, notre ministre de l’Economie et des finances ajoute : « Si j’avais eu le sentiment que la séparation entre la banque de dépôts et la banque de marché était la solution, je l’aurais fait ».
Nos gouvernants sont décidément les VRP magnifiques d’une oligarchie qui dépossède à grande vitesse les peuples européens de leur patrimoine collectif et casse tous les liens de solidarité ; ce sont les acteurs d’une nouvelle forme de tyrannie qui compromet l’avenir et réduit à néant toutes les conquêtes du passé.
Il y a près de cinq siècles, un jeune philosophe de 19 ans, Etienne de la Boétie, se demandait, dans « le discours de la servitude volontaire », « comment il se peut que tant d’hommes, tant de villes, tant de nations supportent quelquefois tout d’un Tyran seul, qui n’a de puissance que celle qu’on lui donne, qui n’a de pouvoir de leur nuire, qu’autant qu’ils veulent bien l’endurer, et qui ne pourrait leur faire aucun mal, s’ils n’aimaient mieux tout souffrir de lui, que de le contredire.»
A la veille du FSM de Tunis, la question mérite d’être à nouveau posée. Les peuples prendraient conscience de leur force . . .
Et « le printemps arabe », qui reste d’ailleurs inachevé, pourrait alors porter ses effluves par-delà les rives de la Méditerranée.