Les eurosceptiques sont les grands vainqueurs annoncés de ces élections européennes. Les partis, petits et gros, qui briguent nos suffrages, semblent effectivement ne pas être satisfaits de l'Europe actuelle. Tous les programmes, tous les candidats, critiquent le fonctionnement de l'UE et veulent a minima réorienter l'Europe.
Mais quel sera demain le visage de l'Europe ? Il est bien difficile de le discerner à la lecture des seules professions de foi de partis nationaux qui doivent ensuite, pour être audibles et efficaces, sceller des alliances au niveau européen. Les forces en présence sont multiples, mouvantes et bien sûr politiques, donc sujettes aux compromis permettant l'accès au pouvoir.
Malgré le succès attendu de quelques listes, les partis populistes d'extrême droite ne sont pas susceptibles, pour l'instant, de constituer une coalition, une internationale des nationalismes ( du reste, ils n'ont pas pu se mettre d'accord pour désigner un candidat commun à la présidence de la Commission européenne) susceptible de bâtir une Europe xénophobe qui prendrait le chemin d'une fragmentation identitaire.
La question fondamentale est donc finalement de savoir si l'Union Européenne poursuivra ou non, demain, sa dérive libérale dans un contexte d'affaiblissement continu des leviers publics. La plupart de nos maux économiques et sociaux sont en effet étroitement corrélés à cette politique. L 'Europe va-t-elle basculer dans le « tout marché » ou, au contraire, sachant bien entendu que le « tout public » n'est pas réclamé par les extrémistes, les gauchistes et autres révolutionnaires qui s'opposent à une conception de l'Europe purement libérale, saura-t-elle préserver des mécanismes de régulation démocratiques permettant de garantir aux citoyens européens un minimum de protection sociale et environnementale ?
Les futurs députés du Parlement européen voteront-ils notamment le traité TAFTA (Trans Atlantic Free Trade Area) instaurant avec les USA un grand marché transatlantique ? Le grand mérite de la campagne pour les élections européennes aura été de médiatiser ce projet et de placer sous le feu des projecteurs une négociation qui serait restée dans l'ombre, échappant ainsi à tout contrôle citoyen. Car le GMT (Grand Marché Transatlantique) est le cheval de Troie des libéraux et sociaux-libéraux destiné à établir définitivement le règne de « la concurrence libre et non faussée » en permettant aux entreprises de s'affranchir des règles sociales et environnementales qu'elles jugeraient trop contraignantes. Le GMT c'est en quelque sorte l'extension du domaine du libéralisme et de la loi du marché à tous les secteurs de la société avec le prix comme seul arbitre, quelles que soient les conditions d'élaboration des produits. Aujourd'hui, la directive sur les travailleurs détachés permet un dumping social de grande ampleur entre les Etats membres de l'UE car les administrations ne disposent pas des moyens de contrôle suffisants pour faire respecter le droit. En France, les maçons portugais, polonais, roumains, etc. . . travaillent sur les chantiers selon les grilles de rémunération de leurs pays d'origine et leurs troupes grossissent tandis que les effectifs et les outils de contrôle de l'inspection du travail s'amenuisent.
Demain, avec le GMT et la suppression des barrières non-tarifaires avec les USA, ce sont toutes nos règles et normes environnementales qui pourront être contestées, contournées, rendues obsolètes. Le grand marché transatlantique ce n'est pas de la croissance, des emplois, et du pouvoir d'achat supplémentaire pour les consommateurs, comme l'affirment impudemment le PPE et le PSE, mais le dumping environnemental qui s'ajoutera au dumping social. C'est une menace effrayante et révoltante à l'heure du réchauffement climatique et de la pollution généralisée.
Mais les électeurs, même s'ils ne connaissent pas les termes de la négociation, ont pris connaissance du processus. L'information circule et les mobilisations commencent à prendre de l'ampleur.Un collectif STOP TAFTA s’est constitué au niveau national (Lire ici). Les élections du dimanche 25 mai constituent une étape importante mais tout restera à faire pour changer le visage de l'Europe.