Dans notre pays, l’affaiblissement de l’Etat, qui demeure encore un grand pourvoyeur de services publics, est une œuvre de longue haleine. Mais les choses peuvent aller plus vite en besogne quand l’ennemi vient en parasiter la tête.
Emmanuel Macron a raison : « le statut de la fonction publique n’est plus adapté au monde tel qu’il va » ; le statut de la fonction publique n’est plus adapté à l’action d’un gouvernement qui s’efforce de mettre en place un état libéral et de bousculer un certain nombre de protections et d’anachronismes comme les 35h ou le droit du travail qui nuisent d’évidence à l’intérêt des entrepreneurs.
Le statut de la fonction publique n’est plus adapté aux missions des quelques grands directeurs de la haute administration publique qui organisent méthodiquement, en se référant uniquement à des données comptables, l’affaiblissement et la perte d’efficacité des services publics afin de mieux légitimer par la suite le recours au privé. Il n’est plus adapté au carriérisme et à l’esprit de lucre qui gangrène de plus en plus les fonctionnaires de catégorie A +++. Il n’est plus adapté en particulier à un certain nombre d’affairistes qui, naviguant sans cesse entre deux eaux, les eaux du privé et du public, en perdent tout repère et se posent en serviteurs de l’Etat quelle que soit leur position. Sûrs de leur puissance et de leurs réseaux, infatués de leurs immenses mérites, ces beaux messieurs ne craignent pas d’être démentis. Le statut de la fonction publique est dévoyé par une petite oligarchie technocratique qui soigne en permanence son « entre-soi » afin de mieux contourner les règles qui régissent le commun ; il n’est plus adapté au cas de Mr François Villeroy de Galhau , qui après avoir dirigé la banque Paribas, s’apprête à s’asseoir dans le fauteuil de gouverneur de la Banque de France .
Le statut de la fonction publique n’est plus adapté à des préfets, comme le préfet du Tarn en particulier, qui donnent l’ordre d’utiliser des armes de guerre contre des manifestants qui tentent de préserver des biens communs.
Le statut de la fonction publique n’est plus adapté à une administration qui multiplie désormais les inégalités de statut en son sein, qui embauche massivement des contractuels sous contrat précaire (notamment dans l’Education nationale), qui multiplie les injustices, les inégalités de traitement, attise les frustrations et pratique la discrimination. Le statut de la fonction publique n’est plus adapté à un Etat, employeur indigne, qui génère beaucoup d’injustice.
Le statut de la fonction publique n’est plus adapté à des services publics dont les missions d’intérêt général sont détournées et perverties pour satisfaire le gouvernement en place dont l’action est en permanence dictée par les milieux industriels et financiers. Le devoir de réserve et de discrétion qui s’impose aux agents de l’Etat devient une laisse qui permet au pouvoir de fomenter ses mauvais coups en toute tranquillité, puisque les lanceurs d’alerte éventuels s’exposeraient à des sanctions disciplinaires immédiates.
Dans une "République indivisible, laïque, démocratique et sociale", dans une République gouvernée par des politiques soucieux du bien commun et d’éclairer le débat public afin de se confronter aux citoyens et aux différentes opinions dans la transparence, le statut de la fonction publique permettrait aux agents de l’Etat d’être véritablement les garants de l’intérêt général, d’accomplir leurs missions dans la sérénité, de s’investir dans la durée afin de mieux répondre aux besoins des administrés. Dans cette République imaginaire, ce statut aurait toute sa justification et sa pertinence.
Aujourd’hui, dans notre petite république rabougrie, desséchée par l’argent, phagocytée par les financiers, et dans une société où les solidarités s’affaissent, le statut de la fonction publique n’est plus qu’un tabou instrumentalisé par les socialistes pour tenter de se distinguer de la droite. Comme beaucoup d’autres, ce marqueur est perverti et il ne sert à rien d’en avoir « ras-le-bol » d’Emmanuel Macron. Dans un monde profondément inégalitaire, de plus en plus surveillé et contenu, il nourrit, exacerbe, les corporatismes et peut même représenter un danger pour les citoyens quand il protège les déviances et les débordements des fonctionnaires chargés de « surveiller et punir ».