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Billet de blog 23 octobre 2016

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« Police partout, justice nulle part »

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Depuis 2003, la police de proximité n’est plus.  Les délinquants des quartiers « sensibles » sont  devenus, grâce au recadrage de Nicolas Sarkozy, les  « éducateurs »  de terrain les plus présents et les plus persuasifs. Pour les  jeunes en difficulté, la police est au mieux le spectateur passif de leur déshérence mais  ne peut être  en aucun cas un appui, un recours possible. Les survêtements ont été remisés au placard, remplacés par les treillis militaires. La prévention, le dialogue,  la conciliation, et  la pédagogie, ont  été abandonnés  pour laisser la place à  la répression, aux coups de filet, aux opérations coup de poing  plus ou moins médiatisées. Les policiers n’ont jamais été des travailleurs sociaux mais au moins pouvaient-ils être, à leur manière, en demeurant au contact et en travaillant calmement et posément avec  les associations de quartier, sur le long terme, les artisans d’une certaine cohésion sociale.  

Les socialistes au pouvoir n’ont pas changé d’optique ;  le fossé entre deux mondes qui ne se comprennent plus ne  cesse de s’élargir et, de part et d’autre, les  comportements  déviants se  multiplient et se radicalisent. Confrontée  à la montée des incivilités, des trafics, de la violence, la police, qui ne dispose pas des effectifs ni des outils adéquats, a dérivé, accompagnant et amplifiant la descente aux enfers de ces « zones de non droit ». Du tutoiement indélicat aux bavures, en passant par les vexations gratuites, les fautes des forces de l’ordre, sur un fond de racisme latent, sont systématiquement couvertes par la hiérarchie (ainsi que par les organisations syndicales) et rajoutent ainsi au désordre.  Faute d’être sanctionnés, les policiers ont eux aussi pris de l’assurance dans leur navigation en marge du droit ; les écarts de comportement  se sont banalisés, systématisés, entraînant la montée  de la haine anti-flic.

Globalement la police s’est progressivement  coupée de la  population – et pas seulement de la population délinquante- même si les attentats terroristes lui ont donné un regain factice de popularité. Le gouvernement socialiste, en décrétant l’état d’urgence et en organisant par de multiples dispositions législatives le recul  de l’état de droit,  a transformé les policiers en chasseurs, en vengeurs masqués, artisans d’une justice expéditive qui  fonctionne à merveille contre les terroristes mais aussi, l’accessoire suivant le principal, contre les délinquants dans les cités, les  manifestants contre la loi Travail, les zadistes et autres résistants aux grands projets inutiles, bref contre toutes celles et tous ceux qui osent défier l’ordre établi.

La politique du tout répressif  et de l’isolement a abouti inévitablement à un surcroît d’insécurité et d’inconfort pour les populations mais aussi, au final, pour les policiers eux-mêmes.  Après le drame de Viry-Châtillon,  les syndicats de police manifestent pour dénoncer leurs conditions de travail dégradées mais les mots d’ordre, qui mettent notamment en avant le laxisme de la justice et la nécessité d’assouplir les conditions de légitime défense, témoignent d’une approche étroitement corporatiste, empreinte d’une idéologie sécuritaire particulièrement inquiétante.

Aujourd’hui, face à cette contestation policière qui viole ouvertement la loi en comptant dans ses rangs des manifestants cagoulés et armés , le pouvoir a choisi de composer, de tergiverser,  affaiblissant encore un peu plus son autorité : "Vous demandez des moyens, nous vous les donnons".

Ces manifestations policières qui se multiplient ces derniers jours en France démontrent que  le corps de la police  compte des hommes  en perdition qui adhèrent ouvertement  à l’idéologie sécuritaire du FN et qui semblent avoir la volonté, par une stratégie de la tension,  d’imposer aux politiques  leur conception de la justice. Tous les policiers ne peuvent pas être des professionnels dévoués ayant un sens aigu du service public mais, aujourd’hui, ce sont les policiers radicalisés qui semblent donner le tempo à l’ensemble du corps, un peu comme les délinquants et les voyous finissent par imprimer leur marque et la peur à l’ensemble d’un quartier.

Profitant des temps troublés actuels et des derniers évènements qui l’ont affectée, la police  veut pousser aussi loin que possible son avantage. Le pouvoir qui a besoin d’elle pour de futures missions délicates va-t-il lui laisser carte blanche et redonner ainsi tout son sens à la fameuse phrase de Victor Hugo : " Ce gouvernement, je le caractérise d’un mot : la police partout, la justice nulle part. "

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