Depuis 2003, la police de proximité n’est plus. Les délinquants des quartiers « sensibles » sont devenus, grâce au recadrage de Nicolas Sarkozy, les « éducateurs » de terrain les plus présents et les plus persuasifs. Pour les jeunes en difficulté, la police est au mieux le spectateur passif de leur déshérence mais ne peut être en aucun cas un appui, un recours possible. Les survêtements ont été remisés au placard, remplacés par les treillis militaires. La prévention, le dialogue, la conciliation, et la pédagogie, ont été abandonnés pour laisser la place à la répression, aux coups de filet, aux opérations coup de poing plus ou moins médiatisées. Les policiers n’ont jamais été des travailleurs sociaux mais au moins pouvaient-ils être, à leur manière, en demeurant au contact et en travaillant calmement et posément avec les associations de quartier, sur le long terme, les artisans d’une certaine cohésion sociale.
Les socialistes au pouvoir n’ont pas changé d’optique ; le fossé entre deux mondes qui ne se comprennent plus ne cesse de s’élargir et, de part et d’autre, les comportements déviants se multiplient et se radicalisent. Confrontée à la montée des incivilités, des trafics, de la violence, la police, qui ne dispose pas des effectifs ni des outils adéquats, a dérivé, accompagnant et amplifiant la descente aux enfers de ces « zones de non droit ». Du tutoiement indélicat aux bavures, en passant par les vexations gratuites, les fautes des forces de l’ordre, sur un fond de racisme latent, sont systématiquement couvertes par la hiérarchie (ainsi que par les organisations syndicales) et rajoutent ainsi au désordre. Faute d’être sanctionnés, les policiers ont eux aussi pris de l’assurance dans leur navigation en marge du droit ; les écarts de comportement se sont banalisés, systématisés, entraînant la montée de la haine anti-flic.
Globalement la police s’est progressivement coupée de la population – et pas seulement de la population délinquante- même si les attentats terroristes lui ont donné un regain factice de popularité. Le gouvernement socialiste, en décrétant l’état d’urgence et en organisant par de multiples dispositions législatives le recul de l’état de droit, a transformé les policiers en chasseurs, en vengeurs masqués, artisans d’une justice expéditive qui fonctionne à merveille contre les terroristes mais aussi, l’accessoire suivant le principal, contre les délinquants dans les cités, les manifestants contre la loi Travail, les zadistes et autres résistants aux grands projets inutiles, bref contre toutes celles et tous ceux qui osent défier l’ordre établi.
La politique du tout répressif et de l’isolement a abouti inévitablement à un surcroît d’insécurité et d’inconfort pour les populations mais aussi, au final, pour les policiers eux-mêmes. Après le drame de Viry-Châtillon, les syndicats de police manifestent pour dénoncer leurs conditions de travail dégradées mais les mots d’ordre, qui mettent notamment en avant le laxisme de la justice et la nécessité d’assouplir les conditions de légitime défense, témoignent d’une approche étroitement corporatiste, empreinte d’une idéologie sécuritaire particulièrement inquiétante.
Aujourd’hui, face à cette contestation policière qui viole ouvertement la loi en comptant dans ses rangs des manifestants cagoulés et armés , le pouvoir a choisi de composer, de tergiverser, affaiblissant encore un peu plus son autorité : "Vous demandez des moyens, nous vous les donnons".
Ces manifestations policières qui se multiplient ces derniers jours en France démontrent que le corps de la police compte des hommes en perdition qui adhèrent ouvertement à l’idéologie sécuritaire du FN et qui semblent avoir la volonté, par une stratégie de la tension, d’imposer aux politiques leur conception de la justice. Tous les policiers ne peuvent pas être des professionnels dévoués ayant un sens aigu du service public mais, aujourd’hui, ce sont les policiers radicalisés qui semblent donner le tempo à l’ensemble du corps, un peu comme les délinquants et les voyous finissent par imprimer leur marque et la peur à l’ensemble d’un quartier.
Profitant des temps troublés actuels et des derniers évènements qui l’ont affectée, la police veut pousser aussi loin que possible son avantage. Le pouvoir qui a besoin d’elle pour de futures missions délicates va-t-il lui laisser carte blanche et redonner ainsi tout son sens à la fameuse phrase de Victor Hugo : " Ce gouvernement, je le caractérise d’un mot : la police partout, la justice nulle part. "