Je n’ai pas regardé Nicolas Sarkozy sur France 2 dimanche soir. Nicolas Sarkozy ne peut faire que du Nicolas Sarkozy : le produit est connu, il est frelaté et dangereux pour la démocratie ainsi que pour mes deux neurones d’intelligence. J’aurais également eu l’impression désagréable de participer à la promotion d’un mauvais remake annoncé à grand renfort de publicité.
Je n’ai pas regardé mais j’ai malgré tout subi ; il est malheureusement impossible d’échapper au battage médiatique causé par l’évènement. Je connais donc l’essentiel et je devine le reste. Un ex-chef de l’Etat, déchu et mis en examen, mais saisi par l’appel du devoir, ambitionne de redevenir président en reprenant tout d’abord les rênes de l’UMP. . .
Une telle prouesse est-elle possible ? Les handicaps pourront-ils être surmontés, avec quels moyens, avec quels soutiens ? La bagarre au sein de l’UMP s’annonce féroce et l’on se presse déjà pour contempler la performance de l’athlète et de ses rivaux ! On attend avec impatience les prochains épisodes, les prochaines joutes. Le spectacle s’annonce grandiose, haletant. Mais on frémit aussi à la perspective des manipulations, des mensonges sans contredits, des déclarations démagogiques, du spectacle ô combien prévisible de « la fabrique du consentement » (1).
Tout cela donne le vertige et finalement la nausée, d’autant plus que le premier épisode de ce détestable scénario a eu lieu sur une chaîne publique bien décidée à mettre en scène l’animal politique, à exploiter ce filon d’audience sans aucune retenue : 45 mn d’interview pour étaler toute l’insignifiance et la vacuité d’une ambition personnelle démesurée. Combien de temps la chaîne consacrera-t-elle à décrire, à décrypter les enjeux du sommet de New-York sur le réchauffement climatique ? Les intérêts à court terme d’une certaine classe politique et de médias sous l’emprise de l’audimat convergent pour tenir les citoyens à l’écart de l’information véritable, les abêtir et les rendre plus aisément manipulables. Comme le titrait le journal L’humanité lundi, le retour de Nicolas Sarkozy est surtout « le symptôme d’une démocratie malade » et d’institutions qui avantagent outrageusement les ambitieux, les menteurs, les sans-scrupule . . . en bref, toutes les personnalités égotiques dont le seul projet est d’accéder au pouvoir. Ce pouvoir des grands chefs - politiques, industriels et financiers - corrompt et avilit en profondeur la société française car il emprisonne les principaux responsables et décideurs dans les entrelacs d’intérêts mutuels. Que Frédéric Péchenard, ancien directeur général de la police nationale, soit désormais le directeur de campagne d’une personne mise en examen pour corruption active et trafic d’influence en dit long sur l’effondrement des valeurs et principes éthiques qui affecte notre haute fonction publique sous les coups de butoir du présidentialisme exacerbé de la Vème République.
A elle seule, la candidature annoncée de Nicolas Sarkozy délégitime un peu plus une Vème République pervertie au sommet par la corruption et le trafic d’influence ; elle appelle la VIème République. Mais les français sont-ils encore capable de prendre leur destin en main et de faire tomber cette culture du chef qui imprègne notre vie collective ? Le temps presse.
(1) Titre d’un ouvrage de Noam Chomsky