Demain, 2012 ; la fabrique de l’électorat se met en marche. . . En France, les candidat(e)s à la magistrature suprême doivent afficher clairement leurs ambitions et faire preuve d’une détermination sans faille qui se construit sur la durée. Il est de bon ton de s’inscrire dans la course le plus tôt possible. L’imagerie populaire, relayée et entretenue par les médias, se nourrit des ambitions longtemps contrariées de F Mitterrand et de J Chirac, mis en scène et caricaturés par des émissions satiriques. Une place de Président de la République française, ça se désire ! Avec la personnalisation délirante de la fonction présidentielle (accentuée par le passage au quinquennat ), liée tout à la fois à nos institutions et au fonctionnement de la sphère médiatique, le programme semble s’effacer de plus en plus devant la volonté de pouvoir, la personnalité du prétendant et le résultat des sondages d’opinion qui ne font qu’enregistrer, par un mécanisme de rétroaction, le degré de « peopolisation » des favoris des médias.
La question qui agite actuellement tous les commentateurs politiques concerne la détermination de Dominique Strauss-Kahn à s’emparer en 2012 de la place tant convoitée : en a-t-il vraiment envie ? est-il prêt à abandonner le poste prestigieux de directeur général du FMI pour livrer une bataille à l’issue incertaine ? va-t-il déclarer sa flamme ? L’intéressé, tout absorbé par les soucis et les devoirs de sa charge, reste sur sa réserve, joue les importants, et semble vouloir sauver le monde avant de se préoccuper de sauver la France . En coulisse, son épouse et ses conseillers en communication distillent quelques informations, entretiennent l’espoir, veillent à ce que la bulle spéculative sur cette candidature ne se dégonfle pas. Ils y parviennent sans mal : depuis des mois, les éditorialistes, les journalistes influents et autres faiseurs d’opinion mettent régulièrement DSK en scène et déploient des efforts considérables pour l’installer dans son rôle de challenger. Le duel Sarkozy-Strauss-Kahn a la côte et tous les autres cas de figure finissent par paraître incongrus. On veut à tout prix nous vendre un duel entre libéraux. Entre un libéral fanatique et un libéral « modéré », le peuple est sommé de choisir . . . toute autre alternative est taxée au mieux d’utopique, au pire d’extrémiste. Sauver le libéralisme et garder les institutions actuelles constituent la principale préoccupation des puissants, cela mérite bien quelques efforts pour manipuler et encadrer le vote des citoyens. Favoriser dans le camp prétendument adverse et classé « à gauche » un candidat qui ne saurait décevoir l’establishment est une œuvre de salubrité patronale.
Le rejet du président en exercice ne doit pas entraîner le rejet du système : sous l’emprise de Nicolas Sarkozy, la Vème République apparaît trop évidemment au service d’une petite caste de privilégiés. Les errements d’un potentat caractériel et instable, entouré d’une cour de conseillers serviles, produit chaque jour ses effets dévastateurs dans le pays et dans l’opinion publique. En cas de malheur, Il faut une solution de rechange : DSK incarne « une gauche » très fréquentable. Le libéralisme d’Etat , cette alliance si particulière qui relaye et amplifie par la force de l’appareil d’Etat toute la violence du libéralisme, pourra ainsi perdurer.
Demain, 2012 ; il faut changer de roi afin que tout demeure.
Jean-Luc Gasnier