En 20 ans, le patrimoine des 500 plus grosses fortunes de France a été multiplié par 9 alors que dans le même temps le nombre de pauvres a augmenté de 1,4 million. Quand certains n’arrivent pas à se loger, à s’habiller et à manger correctement, d’autres collectionnent les résidences secondaires (y compris certains ministres), ont une garde robe pléthorique, et sont habitués aux repas fastueux. Il ne faut pas compter sur le capitalisme pour répartir équitablement les richesses puisqu’il est fondé sur l’exploitation : l’opulence côtoie donc les fins de mois difficiles et la pauvreté. L’économie libérale favorise l’individualisme au détriment du collectif et ne s’occupe pas de la satisfaction des besoins essentiels de la population. Elle génère à la fois le gaspillage et la pénurie. En attendant le fameux équilibre général et l’optimum économique pour tous les individus promis par des théoriciens fumeux, le déséquilibre général et une société de plus en plus fracturée sont inhérents au système. La malnutrition affecte une part de plus en plus importante de la population : selon l’Observatoire des vulnérabilités alimentaires, plus d’un tiers des Français se déclarent en insécurité alimentaire et une enquête de l’UNICEF montre qu’un enfant sur cinq ne mange pas trois repas par jour. Parallèlement, le gaspillage est particulièrement important puisque d’après le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire un Français jette chaque année en moyenne 25kg de nourriture encore consommable, ce qui représente l’équivalent d’un repas par semaine par personne !
L’agro-industrie et la grande distribution imposent leurs logiques de profit dans un domaine où la sécurité minimum des citoyens devrait être assurée, la question de la sécurité sociale de l’alimentation est d’ailleurs posée et expérimentée dans certaines communes. Le système de la grande distribution s’appuie sur l’abondance de l’offre, les rayons bien remplis et l’élargissement des gammes de produits, pour capter l’attention du consommateur et inciter à l’achat, mais cette profusion entraîne aussi beaucoup d’invendus et donc de gaspillage car malgré la loi antigaspillage de 2020 beaucoup de supermarchés jettent encore les aliments plutôt que de les donner ou mettent en place des stratégies de distribution des surplus qui ne permettent pas aux personnes dans le besoin d’en profiter. Dans notre société, la pauvreté est de plus en plus considérée comme une tare dont sont responsables les personnes qui en sont affectées, la légitimation des privations et exclusions n’est plus très loin. . .
Mais quand les griffes monstrueuses de l’économie libérale accaparent la richesse pour une petite minorité, engendrant dans le même temps gaspillage, pollution et misère sociale, de petites mains solidaires essayent de grappiller, de glaner ce qui est abandonné par le système pour en faire profiter les plus démunis. Partout en France, des associations récupèrent ainsi des invendus alimentaires auprès de grandes surfaces pour les donner ensuite à des associations caritatives.
A Bordeaux, l’association Echange Nord Sud entend pousser cette logique un peu plus loin et rappeler le lien entre notre modèle agricole conditionnant nos habitudes alimentaires et la crise écologique et sociale qui frappe de plus en plus durement les pays du Sud puisque l’agriculture et la pêche intensive de l’UE fragilisent l’agriculture vivrière ainsi que la pêche côtière de beaucoup de pays d’Afrique notamment. Elle entend promouvoir une consommation responsable de la part des citoyens français et parallèlement aider les populations défavorisées des pays de l’Afrique de l’Ouest. L’association collecte des légumes et des fruits dans des magasins bio pour produire des confitures solidaires dans des pots en verre consignés - la confection est collective et artisanale par les membres de l’association - dont la vente participe au financement de projets de développement dans des pays comme le Sénégal ou le Burkina Faso.
Alors que trop d’hommes et de femmes politiques, déjà gavés par le système, sont pris la main dans le pot de confitures, de petites mains anonymes essayent d’aller à contre sens des vents dominants et fabriquent des confitures pour aider les plus pauvres. Ce sont ces actes de solidarité et de résistance qui permettent d’entretenir l’espoir d’un autre monde, encore de penser qu’un autre monde est possible.