Il y a un an, Rémi Fraisse, un jeune naturaliste venu manifester pacifiquement pour protester contre le saccage de la Zone humide du Testet et l’édification du barrage de Sivens, était tué par une grenade offensive de la gendarmerie.
Dans ce drame, la responsabilité de l’Etat est clairement engagée : les forces de l’ordre avaient été invitées à faire preuve d’une « extrême fermeté » pour tenir une position sans d’autre enjeu que celui de provoquer quelques éléments irresponsables afin de discréditer l’ensemble du mouvement de protestation. L’adjudant chef de gendarmerie, responsable de la mort de Rémi Fresse, avait lancé sa grenade au moyen d’un tir en cloche, geste totalement prohibé dans de telles circonstances.
Le rapport de la commission d’enquête de la Ligue des droits de l’homme publié vendredi est sans ambigüité : "La survenance d'un drame et la mort d'un homme étaient dans la logique du dispositif mis en place"( . . .) Pour parvenir à faire évacuer définitivement le site de ses occupants, l'autorité politique a délibérément pris le parti de faire exercer à leur encontre, par les forces de l'ordre, un niveau de violence considérable".
Les faits sont clairement établis mais, un an après, l’instruction se poursuit en analysant méticuleusement et au mépris de toute décence le passé de Rémi Fraisse et en tentant de décharger par tous les moyens le gendarme responsable des faits ainsi que la hiérarchie militaire et politique. Les responsables ultimes, Bernard Cazeneuve, Manuel Valls et François Hollande, n’auront jamais été véritablement tourmentés par cette affaire. La violence inacceptable des opposants au barrage devait être contenue, un malencontreux accident est arrivé. La mort d’un jeune homme de 21 ans n’a suscité aucune remise en cause chez nos responsables « socialistes ».
Il arrive pourtant que le recours à la force publique soit exercée avec beaucoup plus de retenue et que le pouvoir fasse preuve d’une certaine compréhension - voire de complicité - avec des manifestants.
Jeudi soir, les activistes sionistes et racistes de la Ligue de défense juive sont allés brailler leur colère devant les bureaux de l’AFP contre « la désinformation concernant Israël » qui est « la première étape à la fabrication de terroristes antisémites en France », les médias français et notamment l’AFP ne sont pas suffisamment complaisants à l’égard de la politique de Netanyahou. Un journaliste, présent sur les lieux, a été pris à partie et frappé à plusieurs reprises. Face à une organisation réputée particulièrement violente, et interdite dans de nombreux pays dont les USA, le gouvernement aurait pu interdire le rassemblement ou, à tout le moins, donner des consignes de fermeté afin de contenir l’expression de factions qui menacent la liberté d’information. Il s’agissait là d’un enjeu républicain autrement plus fort que celui de maintenir une position sur un bout de lande ravagée par des bulldozers.
Mais, jeudi soir, les forces de l’ordre se sont contentées de protéger les locaux de l’AFP, sans dissuader ni réprimer la violence de certains exaltés.
Ce pouvoir n’en finit plus de dériver. Comme dans les pires dictatures, seules les catastrophes naturelles et les accidents dramatiques comme celui de Puisseguin lui permettent encore de donner des signes d’humanité, de partager l’émotion populaire. Mais toute sa politique, comme en atteste encore cette semaine la décision de disperser et d’enfermer plusieurs centaines de migrants de la « jungle » de Calais dans différents centre de rétention du territoire, témoigne du même mépris pour la vie et pour les libertés publiques essentielles (lire ici l'article de la Cimade à ce sujet) .
La République enfle dans les discours mais se rapetisse au fil des actes. Le gouvernement trahit et échoue dans tous les domaines mais continue inlassablement à revendiquer avec morgue des décisions indignes. Le dégoût et la honte sont désormais les sentiments les mieux partagés au sein de l’électorat de gauche. Tous les jours les ministres socialistes renforcent la désunion et la désillusion de leur camp. Jean-Christophe Cambadélis peut bien se féliciter du résultat de son référendum mais, pour les élections régionales comme pour la Présidentielle, il sera bien difficile de faire appel au sursaut républicain face à l’extrême droite.