Ils partent ! Ils quittent une Union Européenne dont ils n’avaient jamais voulu partager toutes les règles. Cette maison commune, qui n’était pas construite à leur convenance, leur devenait de plus en plus insupportable. Par calcul politicien, il y a quelques mois, le Premier ministre britannique David Cameron leur avait donné la clé de la porte de sortie. Ils en ont finalement profité.
Ils sont aujourd’hui montrés du doigt mais les Anglais sont comme tous les autres peuples de l’Europe, ils ne veulent plus d’une Union Européenne technocratique et bureaucratique qui négocie en secret avec les lobbies et les transnationales les conditions de leur asservissement et qui échappe à tout contrôle citoyen. L’UE est aujourd’hui un instrument entre les mains de libéraux dogmatiques et extrémistes. Nous autres Français, nous en avons pris pleinement conscience en 2005 quand le vote Non au référendum sur le projet de constitution européenne fut bafoué et finalement détourné par le traité de Lisbonne. Les Grecs en souffrent dans leur chair tous les jours et ont pu, l’été dernier, à l’occasion du vote sur le plan d’austérité de la troïka, prendre toute la mesure du fameux slogan de Margareth Thatcher « There is no alternative ».
L’Europe est monstrueuse mais c’est aussi un bouc-émissaire idéal pour les populations qui souffrent quotidiennement du Pacte de stabilité et des excès du néolibéralisme : les électeurs ne se rendent pas toujours compte qu’ils sont avant tout les victimes de leur classe politique dirigeante : du volontarisme dérégulateur de certains et de la lâcheté de quelques autres ; L’UE est devenue depuis l’acte Unique et Maastricht un paravent , un alibi commode pour les dirigeants politiques nationaux qui y trouvent là matière à justifier des politiques destructrices des services publics et aux conséquences désastreuses pour une «working class» qui se sent de plus en plus délaissée, abandonnée.
Le vote britannique donne à nouveau aux classes populaires une consistance, une réalité. Les peuples d’Europe ressurgissent sur la scène politique - et dans le vocabulaire des politiciens - alors qu’ils avaient disparu, évincés par des ratios d’endettement, des seuils de déficit, et autres indicateurs de performance économique et budgétaire. Soudainement, les responsables de cette situation, François Hollande en tête, aspirent à offrir une « perspective aux peuples » après s’être engagés depuis des années à « réorienter l’Europe ».
Mais peut-on espérer quoi que ce soit de la part de dirigeants comme François Hollande ou Jean-Claude Juncker qui, en affichant leur volonté de négocier sévèrement les conditions de sortie du Royaume-Uni et en brandissant avec empressement le glaive du châtiment, prennent le risque de dresser les peuples les uns contre les autres afin de servir leur image et de conforter leur pouvoir ?
Non, aujourd’hui, le problème de l’Europe réside dans la classe politique dirigeante des différents pays membres ; et cette classe politique est entièrement acquise au néolibéralisme.
Les Anglais sont partis mails ils restent malheureusement soumis à la politique du parti conservateur, incarné désormais par Boris Johnson. La « working class » ne pâtira plus des décisions de Bruxelles mais restera confrontée à un autre ennemi tout aussi redoutable, intérieur celui-là.