La vidéo montrant un jeune lycéen boxé par un policier a fait le tour du net et des médias. Elle est particulièrement démonstrative, éclairante sur les pratiques de certaines brutes assermentées mais des zones d’ombre doivent néanmoins subsister pour le préfet de police de Paris, Michel Cadot (ancien directeur de cabinet de la ministre de l’Intérieur Michèle Alliot-Marie), qui est resté prudent et très posé : "S'il y a eu une faute, elle sera sanctionnée." La faute n’est pas avérée, il convient donc d’employer le conditionnel.
Imaginons un instant la scène inverse : un policier à terre, entouré, malmené par un groupe de jeunes puis violemment frappé au visage par l’un d’eux. Le préfet de police aurait-il pris les mêmes précautions pour qualifier l’attitude des manifestants ?
Il est vrai qu’une bonne administration de la justice requiert des certitudes. Nous le savons tous : les images sont parfois trompeuses ; le policier a peut-être arrêté son geste juste avant l’impact et le jeune lycéen, effrayé, dans un mouvement de recul incontrôlé, a pu se précipiter contre un obstacle indiscernable à la vidéo ; il se serait blessé malencontreusement sous les yeux du policier. Il faut se garder de tout jugement hâtif, l’expérience nous montre que les forces de l’ordre sont trop souvent victimes d’accusations malveillantes avant d’être par la suite innocentées. Après dix ans de procédure, les agents poursuivis dans l’affaire de la mort par électrocution des adolescents Zyed et Bouna à Clichy-sous-bois ont finalement été relaxés malgré des faits et des enregistrements qui paraissaient accablants de prime abord.
Des affaires plus récentes, en cours d’instruction, montrent que l’administration judiciaire s’efforce toujours de rechercher la vérité derrière l’apparence immédiate et la fragilité des témoignages. Le principe de présomption d’innocence doit évidemment s’appliquer à tous.
Ainsi, au mois de février dernier, un jeune supporter corse du club de Bastia a perdu un œil lors d’échauffourées avec la police ; d’après des témoins, la blessure serait due à un tir de flash-ball. Mais, selon le parquet, la victime aurait été atteinte à l’abdomen et se serait ensuite grièvement blessée en tentant de fuir et en chutant la tête la première sur un poteau bordant une ligne de tramway. . .
Dans l’affaire du drame de Sivens, le gendarme mobile responsable du jet de la grenade offensive qui a tué Rémi Fraisse vient d’être placé sous le statut de témoin assisté et serait «tiré d’affaire » selon son avocat. Rémi Fraisse, qui selon des témoins récents levait les mains en l’air lorsqu’il a été tué, s’est sûrement précipité en direction de la grenade offensive puisque le gendarme avait pourtant pris « soin d’éviter de l’envoyer sur les manifestants eux-mêmes ».
Les enquêtes sont toujours en cours, il faut faire confiance à la justice de notre pays. . .
Et puis, Manuel Valls le répète à l’envie : nous sommes en guerre !
La suspicion vis-à-vis de fonctionnaires prêts à se sacrifier pour nous défendre est intolérable. Il faut leur faire confiance, les laisser travailler ; l’état d’urgence doit d’ailleurs leur permettre d’assurer notre sécurité sérieusement, sans un contrôle trop tatillon. La police doit avoir en quelque sorte carte blanche dans les situations d’urgence. Depuis l’attentat de Charlie Hebdo, l’action des policiers est régulièrement célébrée par le pouvoir et le peuple serait paraît-il de nouveau réconciliée avec sa police. Face à l’ennemi, l’ordre est requis et l’obéissance est une vertu cardinale. La contestation sociale, les mouvements de protestation de jeunes, les résistances écologistes de zadistes irresponsables ne sont plus de mise.
Il nous faut désormais marcher droit. Qu’on se le dise !