Après deux mois de lutte, l’énergie et la détermination sont toujours là de part et d’autre. Derrière la bataille engagée autour de la loi El khomry, l’enjeu dépasse désormais celui d’un conflit social classique. Le pouvoir s’engage à fond et veut aller « jusqu’au bout », jusqu’au bout de la trahison, jusqu’au bout de la forfaiture. Elu en tant qu’ennemi déclaré de la finance, le Président s’emploie depuis le début du quinquennat à conforter chaque jour un peu plus le pouvoir du capital et à amoindrir les droits du travail. Pour nos dirigeants socialistes, notre modèle social est certainement une entrave au « bon fonctionnement de l’économie » et, par un détournement de langage dont la communication néolibérale a le secret, nous assisterions en fait à une levée de boucliers de réactionnaires radicaux face à des réformistes modérés.
Le conservatisme fait face à la modernité. . .
Mais aujourd’hui la résistance s’organise, ne faiblit pas, et peut durer car elle s’appuie sur un profond mécontentement populaire. La loi El Khomry, c’est une désillusion, une humiliation de trop.
Si l’on en croit les instituts de sondage, plus de 70% des français sont opposés à une loi que rien dans le programme du candidat « socialiste » ne pouvait laissait prévoir.
Avec ce dernier épisode, avec cette absence de dialogue, avec cette représentation nationale muselée, avec ce 49.3, avec ces provocations policières à répétition, la Vème République et le mandat de François Hollande arrivent au bout de leurs contradictions. La souveraineté nationale appartiendrait soi-disant au peuple quand elle est le fait d’une petite caste d’oligarques ralliés désormais ouvertement et résolument au néolibéralisme.
« Le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple » n’est qu’une fiction, qu’une provocation de plus en plus évidente pour tous les citoyens. La démocratie s’efface devant la dictature des marchés. Le pouvoir s’arc-boute, montre ses muscles, réprime. La légitimité a disparu, il ne reste plus que la force, que la police.
Un pouvoir qui se révèle usurpé affronte le peuple.
Et cette bataille est importante.
Il est temps d’en finir avec la monarchie présidentielle de la Vème, avec cette forme de plébiscite permanent et cette suprématie infaillible du Chef de l’Etat qui infantilisent la société française et annihilent la citoyenneté.
Il est temps d’inverser, pour le coup, la hiérarchie des normes en redonnant la souveraineté à l’expression populaire et en soumettant véritablement l’exécutif à l’intérêt général.
La votation citoyenne sur la loi Travail qui va être organisée prochainement par les syndicats contestataires sera aussi occasion pour les citoyens d’exprimer leur refus global du système et une exigence de démocratie renouvelée qui est actuellement portée par des mouvements comme « Nuit debout ».
Il y a 20 ans, un certain Alain Juppé s’adressait aux français « les yeux dans les yeux » pour leur dire qu’il ne retirerait pas son plan de réforme de la Sécurité sociale, la première attaque massive de nos acquis sociaux, conquis de haute lutte au cours des décennies antérieures. Le ralliement opportuniste de la direction de la Cfdt (Nicole Notat en était la Secrétaire générale à l’époque), qui allait dès lors opter systématiquement pour des compromis régressifs avec les pouvoirs en place, allait lui permettre, malgré une mobilisation sans précédent, d’imposer une partie des réformes prévues et notamment la création des lois de financement de la Sécurité sociale et des ARH ( Agences Régionales de l’Hospitalisation). La voie était tracée pour les futurs gouvernements. Aujourd’hui, Alain Juppé, qui fut un Premier ministre particulièrement rigide et impopulaire, est candidat aux primaires du parti LR ; il attend son heure en espérant profiter de la désillusion des ères Sarkozy et Hollande et en ayant dans ses projets présidentiels de porter la durée légale du travail à 39 Heures et de supprimer toutes les charges patronales pour le SMIC.
Non, vraiment, nous sommes au bout et à bout !