"D'ici la fin de l'année, je ne veux plus personne dans les rues, dans les bois" . . . Pour les migrants comme pour bien d’autres dossiers, nous voilà revenus au temps des édits et des ordonnances !
Sa majesté réfléchit, décide et communique ; les objectifs sont proclamés et, qu’ils soient exagérément ambitieux, contradictoires, ou tout simplement intenables, peu importe : l’important est de gouverner, de faire preuve d’autorité. L’ivresse du pouvoir aidant, le réalisme et la lucidité s’éloignent.
Depuis le mois de mai dernier, la France a un chef, un chef de l’Etat, un chef de la diplomatie, un chef des armées – le limogeage du général Pierre de Villiers l’a ô combien souligné - et un chef de guerre puisque nous serons bientôt plongés, avec la future loi « renforçant la lutte antiterroriste et la sécurité intérieure », dans une forme d’état de guerre permanent contre le terrorisme et donc contre tout ce qui peut menacer ou représenter une menace contre l’ordre public. Après une période d’autorité molle, on rentre dans le dur.
L’appareil d’Etat est désormais aux ordres de Jupiter. Par ces temps de crise, une discipline militaire est exigée de tous, à l’image de la majorité parlementaire qui est aussi transformée en « grande muette ». Emmanuel Macron entend bien disposer de relais fiables et disciplinés.
Mon grand-père qui avait dû subir pendant la grande guerre les ordres absurdes et criminels des chefs des armées de l’époque -les généraux et maréchaux immortalisés par nombre de nos places et boulevards - avait gardé toute sa vie durant une rancune tenace pour la haute hiérarchie militaire. Les grandes gloires galonnées avaient pour la plupart bien peu de considération pour la vie humaine et les souffrances endurées par la troupe. De part et d’autre de la ligne de front, des généraux en chef puisaient dans la piétaille pour nourrir le feu et soutenir la résistance à l’ennemi comme dans un simple stock de munitions. La boucherie de la guerre de 14-18 et de certaines batailles en particulier comme celle du Chemin des dames illustrent de façon caricaturale l’extrême brutalité dont sont capables les dirigeants en situation de crise : le sacrifice des petites gens est exigé et organisé au nom d’intérêts «supérieurs» qui ne sont pas les leurs. L’individu se trouve alors broyé, submergé, emporté par une folie collective qu’il ne peut maîtriser.
Le peuple n’est le plus souvent qu’un outil à la disposition des puissants. Les temps ont-ils changé ?
La plupart des médias ont voulu nous faire croire – et certains continuent de le faire - que la philosophie générale de la présidence Macron reposerait sur l’explication, la pédagogie, et le dialogue afin notamment de minorer les critiques éventuelles et de désamorcer les oppositions malveillantes. Le « et de droite et de gauche » et le « en même temps », au-delà de leur opportunisme tacticien, suggèrent effectivement la tempérance, l’esprit de synthèse, l’ouverture aux autres, et la prise en compte des intérêts de toutes les parties.
Mais la crise est là et la politique d’Emmanuel Macron est aux antipodes de la bienveillance et du respect des intérêts du peuple : elle ne s’inspire que des thèses ultra libérales, destinée à servir la même caste d’industriels et de financiers qui gouvernaient déjà le monde en 14-18.
Avec Macron ,c’est l’obéissance aveugle qui est de nouveau requise à tous les niveaux.
Pour servir la grandeur de la France, Emmanuel Macron, ce jeune chef des armées, semble s’inspirer des généraux de la grande guerre, et notamment de Nivelle qui pour atteindre ses objectifs était prêt à tous les sacrifices des troupes sous son commandement.
Pour réduire la dette, juguler les déficits, notre chef suprême exige aussi la mobilisation de tous. L’effort sera massif mais ce sont les travailleurs qui vont en payer le plus lourd tribut quand beaucoup d’autres en seront exemptés. Alors même que cette stratégie d’abaissement de la dépense publique est particulièrement incertaine et critiquée par de nombreux économistes, Macron apparaît particulièrement déterminé.
Emmanuel Macron sera-t-il, à sa manière, un nouveau Nivelle ?
Dans un écrit concernant ce général (ici), Bruno Jarrosson nous rappelle que « L’arrivée d’un personnage du genre de Nivelle à la tête d’une organisation est assez fréquente. Les hommes très sûrs d’eux, très rassurants, qui correspondent à tous les critères de l’organisation (diplômes, physique avantageux, expérience, sens politique, etc.) arrivent facilement au sommet. Si en plus le doute ne les effleure pas, ce qui est souvent le cas car leur parcours a été aisé, ils sont bien en place pour produire de grands désastres avec une soigneuse tranquillité. On voit régulièrement de ces Nivelle de l’organisation, survendus par la presse comme le fut Nivelle en son temps, dont on nous annonce qu’ils vont faire des prodiges. Quelques années plus tard, ils partent sous les huées après avoir conduit l’entreprise à la faillite. »