Comme chaque année, l'université d'été du PS s'est tenue à La Rochelle et plus précisément à l'espace Encan, une vaste halle « ouverte sur le bassin des grands yachts », un lieu de rassemblement métaphoriquement idéal pour un mouvement qui se veut encore porteur de « grands projets » et de grandes espérances.
Les universités d'été sont, pour les partis au pouvoir, de vastes opérations de communication mais aussi des moments de griserie et de duperie collective. A la Rochelle, le PS ne travaille pas à la définition d'une ligne politique, la synthèse est déjà faite et par un orfèvre en la matière : «l 'artiste » oeuvre à l'Elysée . Non, il s'agit surtout de se montrer, de prendre sans doute encore plus pleinement conscience que l'on exerce de hautes responsabilités et que l'on est bien là où l'on est, de s'encourager pour poursuivre collectivement un quinquennat si bien entamé. Le PS se regarde dans le miroir du pouvoir et s'applaudit. Les écuries, les courants du parti viennent débattre, se montrer, se jauger, s'apprécier dans une rivalité qui doit être maîtrisée, tempérée. Il faut être solidaire, assumer le bilan collectivement. C'est juste une sorte de parade obligée avant la rentrée. Les ministres, les importants, y débarquent, entourés de leur garde rapprochée, amis avec tout le monde, le teint hâlé, détendus, souriants devant micros et caméras, fiers du travail accompli, annonçant aux Français des lendemains meilleurs : «Oui, c’est vrai, la France est en train d’amorcer la marche vers une reprise durable» , « Oui, nous inverserons la courbe du chômage (...) d'ici la fin 2013 » « Nous maintenons des services publics de qualité (. . .) Nous modernisons sans détruire. Nous adaptons dans la fidélité à nos valeurs. Nous préparons l'avenir. » A les entendre, on pourrait croire qu'ils sortent d'une petite séance de fumette collective tant ils voient la vie en rose alors que la majorité des français ressentent durement les effets de la crise et font grise mine. La salle des congrès de la Rochelle, comme gonflée à l'hélium, a failli rompre ses attaches avec le monde réel. C'est grisant mais malheureusement, le peuple s'obstine à être mécontent et les élections municipales et européennes approchent . . .
Il faut donc aussi mobiliser les troupes en vue des prochaines échéances.
C'est la tâche du premier secrétaire du PS, Harlem Désir, qui doit mettre les socialistes « en ordre de bataille ».
Car le PS est avant tout une machine électorale, composée de professionnels de la politique en quête de pouvoirs, petits ou grands. En mars prochain, il va falloir conserver les mairies, les sièges, bref tout ce qui permet au parti d'asseoir son influence et son emprise au quotidien, notamment sur ses alliés traditionnels comme Les Verts. Comment éviter la défaite annoncée ? Comment réussir à motiver, à mobiliser un électorat déçu et en déshérence ? Comment faire oublier 'une politique qui ne peut que décevoir et même trahir ses électeurs après l'acte politique castrateur initial : l'acceptation du traité « Merkozy », le TSCG ? Comment faire diversion ?
Harlem Désir ressort la recette, la vieille recette, toujours la même recette : la peur du retour de la droite, une droite désormais aiguillonnée en permanence par le Front National. Cette menace nécessite « le rassemblement de la gauche pour le rassemblement des français ». Le combat contre l'extrême droite (représentée par le FN mais aussi par certains membres de l'UMP) reste encore le seul vrai ciment d'une gauche éclatée et d'un PS profondément divisé ; et c'est l'argument ultime, le seul argument désormais du Parti Socialiste, son arme de persuasion massive qui le dispense de tout autre effort, qui lui permet de conserver une force électorale quand sa force politique et sa capacité à maîtriser le capitalisme se sont depuis longtemps épuisées dans des contradictions insurmontables.
Quel est donc l'ordre socialiste qu'il convient d'opposer à l'ordre de la droite extrême? S'agit-il de l'ordre martial et sécuritaire de Manuel Valls ou de celui, plus républicain et humaniste, prôné par la garde des Sceaux Christiane Taubira ? Et en dehors de la bataille bien mal engagée contre le FN , quelles sont les autres batailles citoyennes que compte mener le PS ? S'agit-il de la bataille du ministre de l'Ecologie Philippe Martin contre « les marchands du temple » qui veulent "faire du fric-frac dans notre sous-sol pour extraire du gaz de schiste" ou de la bataille livrée par Arnaud Montebourg afin de développer les filières industrielles tous azimuts ( dont le nucléaire et l'exploitation du gaz de schiste en particulier) ? Comment assumer la contradiction entre le maintien de grands projets inutiles comme l'aéroport de NDDL - sans parler des sempiternels refrains incantatoires pour relancer la croissance et la consommation - et la lutte contre la pollution et le réchauffement climatique ? Comment satisfaire à la fois le partenaire EELV qui réclame la mise en place d'une taxation écologique et le ministre de l'Economie et des finances, P Moscovici, qui est « très sensible à ce ras-le-bol fiscal ressenti par nos concitoyens, qu'ils soient des ménages, des consommateurs, ou qu'ils soient des entreprises » ?
Dans la « bataille » pour sauvegarder notre régime de retraites, quelle est la logique d'un refus d'augmentation de la CSG si, dans le même temps, le gouvernement s'apprête à transférer le financement des allocations familiales vers les ménages en octroyant au passage un somptueux cadeau de 35 milliards d'euros aux entreprises ?
François Hollande est un libéral. Il accepte d'héberger à l'Elysée toutes les opinions, toutes les tendances, à condition bien sûr qu'elles fassent allégeance. Et il fait la synthèse en veillant à ne pas bousculer l'ordre économique, c'est à dire en appliquant la recette du pâté d'alouette à sa façon : le cheval pour le capital et l'alouette pour l'écologie et le social.
Mais tout cela finit par laisser un goût amer dans la bouche des électeurs.