C’est la rentrée. Après l’agitation et la polémique estivale, les communes françaises du littoral vont enfin pouvoir retrouver un peu de calme et de sérénité.
Les plages seront bientôt désertées par les femmes musulmanes en burkini qui offraient aux autres vacanciers le spectacle affligeant de corps trop vêtus dans des lieux où le code vestimentaire était jusque-là réputé plutôt souple. Réflexe identitaire ou signe de soumission, cette tenue de bain qui s’affiche en pleine lumière est devenue cet été un fait social marquant, symbole pour certains de l’islamisation rampante de la société française et violant les règles du vivre ensemble.
Les plages seront aussi délaissées par les pilotes de jet-skis et de hors-bords, par les amateurs d’engins et de divertissements motorisés de toutes sortes, qui occasionnaient des nuisances - sans doute bien plus considérables pour de nombreux estivants- et contribuaient à troubler la tranquillité des lieux de baignade. Mais, dans ce domaine, nos valeurs n’étaient pas remises en cause. Il n’y a pas eu d’arrêté « anti-jet-ski s», les multiples pollutions et les dangers potentiels de ces engins de plus en plus envahissants sont parfaitement tolérés car ces troubles-là sont jugés tout à fait supportables par les édiles responsables des arrêtés « anti-burkini » : ce sont les conséquences obligées, les désagréments habituels de notre société de consommation et d’une économie libérale qui respecte avant tout la liberté d’entreprise et la recherche du profit, et s’accommode fort bien de la destruction de la nature. A l’heure du réchauffement climatique, le jet-ski est le symbole estival de la schizophrénie d’une société qui, ayant perdu tous ses repères essentiels, se révèlera toujours incapable d’inspirer la confiance et le respect.
C’est la rentrée, les choses vont rentrer dans l’ordre, le travail va de nouveau imposer son rythme et ses règles. Dans quelque temps, il ne sera plus question de s’interroger sur la dimension des tissus recouvrant les corps féminins sur la plage même si certains agités proposent déjà de légiférer afin de limiter les excès de pudeur de certaines femmes. Les françaises et les français, quelle que soit leur religion, vont retrouver leurs entreprises. Avec la nouvelle loi El Khomri, les patrons pourront leur imposer encore plus facilement les règles et contraintes susceptibles de doper leur productivité. L’asservissement physique et intellectuel des salariés se perfectionne sans cesse et tout est mis en œuvre pour garantir aux possédants la jouissance paisible de leurs capitaux. Sur les lieux de travail, la liberté de conscience n’existe bientôt plus et il ne saurait être question de s’interroger pour savoir si les valeurs de l’entreprise sont contraires aux valeurs républicaines. Gare aux lanceurs d’alerte ou aux syndicalistes trop intransigeants : pour eux la répression est féroce. Un ingénieur, salarié d’un sous-traitant de Renault, qui contestait la légalité de son licenciement intervenu au mois d’avril dernier pour avoir convié les organisations syndicales du Technocentre Renault de Guyancourt à projeter le film de François Ruffin « Merci patron !», vient de se voir débouté par les Prud’hommes de Versailles( lire ici).
C’est la rentrée, tout rentre dans l’ordre patronal.
Le PDG de Lactalis, Emmanuel Besnier, pourra toujours, en toute impunité et dans le respect de nos valeurs républicaines, continuer à affamer les éleveurs laitiers et contribuer ainsi à l’intensification de notre modèle agricole et au dépeuplement de nos campagnes.
Le PDG de Renault, Carlos Ghosn, pourra continuer à s’octroyer un salaire annuel de plus de 7 millions d’euros.
Le patron de presse et de SFR, Patrick Drahi, pourra continuer à licencier « pour que SFR puisse rester compétitif sur un marché difficile »
Serge Dassault, sénateur Les Républicains, pourra continuer à faire prospérer son entreprise grâce aux contrats d’armement passés avec le Qatar et l’Arabie Saoudite notamment.
Etc.
C’est aussi la rentrée politique. Les dirigeants des partis dominants vont s’employer à préparer les élections de 2017, à faire en sorte que les choses ne changent pas, que l’ordre libéral et patronal continue à régner, à prospérer, et à accroître encore les déséquilibres et les menaces . Symbole de la décrépitude du système, un ancien président de la République, mis en examen pour corruption et trafic d’influence, mêlé à d’innombrables affaires, entend représenter « le peuple de France » et s’apprête à briguer un second mandat. La Vème république, née du traumatisme algérien et de l’instabilité de la IVème, est un formidable carcan institutionnel pour garantir et perpétuer désormais un ordre insoutenable ; elle met en scène et sélectionne des chefs de gangs qui ne peuvent prospérer que dans un monde à leur mesure : un monde bâti sur la peur, la compétition et la guerre.
Le burkini est aussi le rejet de ce monde-là.