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Billet de blog 31 mai 2013

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Une menace globale

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Mardi dernier, les députés EELV ont unanimement rejeté le texte de loi sur l'enseignement supérieur et la recherche présenté par la ministre Geneviève Fioraso. Les dangers liés à l'industrialisation et au développement mal maîtrisé des nouvelles technologies font partie du « fonds de commerce » des écologistes ; il leur aurait été particulièrement difficile d'adopter une position différente à l'heure où des scandales sanitaires à répétition démontrent la carence des services de l'Etat - provoquée notamment par le manque d'experts scientifiques réellement indépendants - dans le domaine de l'évaluation et de la prévention des risques. Cette loi qui s'inscrit d'ailleurs dans le prolongement de la loi LRU combattue il y a trois ans par les socialistes, alors dans l'opposition, accentue, aggrave «  la politique de régionalisation et de subordination du service public d'enseignement et de recherche aux intérêts privés » comme le rappelle la motion adoptée lors de l'assemblée générale de l'enseignement supérieur et de la recherche le 2/03/2013 (1). D'une certaine façon, elle adapte ce secteur à la norme mondiale (la multiplication des enseignements en anglais en est un aspect anecdotique) et contribue à renforcer une menace globale dont les firmes américaines, de par leur puissance et leur implantation, constituent souvent le fer de lance. Le  "Monsanto Protection Act", surnom donné à l'article 735 de la dernière loi sur l'agriculture aux USA, qui stipule que «dans le cas où une décision d'autorisation de culture est ou a été invalidée ou annulée, le ministère de l'agriculture doit (. . .), sur simple demande d'un cultivateur, d'un exploitant agricole ou d'un producteur, accorder immédiatement une autorisation ou une dérogation temporaire», constitue l'aboutissement, le point ultime d'une logique qui place les intérêts économiques des firmes privées au-dessus de toute autre considération. Il préfigure notre avenir commun si nous laissons le champ libre au capital. L'éducation, l'enseignement supérieur, la recherche, ne seront bientôt plus que les étapes d'un processus global de rationalisation économique intégré, et piloté par une oligarchie industrielle et financière avec l'aval de gouvernants sous influence. Notre époque est mercantile, tout est à vendre, tout est négociable avec pour seul arbitre le marché. Et pour alimenter ce monstre vorace, les dirigeants politiques jouent le rôle de rabatteurs et de facilitateurs pour des multinationales en quête permanente de nouvelles opportunités, de nouveaux territoires qui sont autant de sources de profit supplémentaires. Pour paraphraser Susan George (qui s'inspirait, dans un chapitre de son ouvrage « La pensée enchaînée », de la célèbre formule de Clausevitz), la politique permet le prolongement et l'accentuation de la guerre économique par d'autres moyens. Nos biens publics sont bradés, nos biens communs sont abandonnés, notre environnement est sacrifié, avec la complicité active de ceux qui sont « normalement » en charge de les protéger. La menace est globale et la riposte se doit de l'être également : samedi dernier « la marche mondiale contre Monsanto » a rassemblé, un peu partout dans le monde, dans plusieurs centaines de villes, des citoyens qui refusent cette logique du marché et entendent préserver un modèle de développement respectueux de l'intérêt général et non assujetti à des intérêts privés. Leur mot d'ordre aurait pu être repris par les députés qui ont voté contre la loi Fioraso : « Nous, citoyens responsables et vigilants, exigeons la mise en place d’un moratoire sur les importations et les cultures OGM ; exigeons la prise en compte des études indépendantes sur les impacts sanitaires de l'agro-chimie et l’attribution de budgets publics permettant l’indépendance totale de la recherche sur ces sujets ; exigeons la cessation immédiate des brevets sur les graines et la monopolisation du vivant ; exigeons l’attribution d’aides publiques aux agriculteurs pour faciliter leur conversion vers l’agroécologie ». L'urgence est là : le Parlement européen vient de donner mandat à la Commission européenne pour renégocier les accords de libre-échange UE/Etats-Unis (2). A l'heure de l'explosion du chômage dans le vieux continent, dans une période où les gouvernements sont prêts à toutes les concessions et compromissions auprès du patronat pour retrouver la croissance, les citoyens qui ont marché samedi peuvent imaginer sans peine combien les Commissaires européens sauront se montrer « responsables et vigilants » face aux exigences des multinationales américaines.

(1) le compte rendu de cette AG sur le site de « Sauvons l'université » (ici)

(2) le communiqué de la Confédération paysanne à ce sujet (ici)

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