Le capitalisme, on le sait, ne fonctionne pas sur un mode égalitaire ; le partage des richesses y est inégal, l’argent se concentre dans certaines mains, dans certains lieux, se fait rare dans d’autres, au gré des opportunités d’affaires, de la conjoncture, et d’une fiscalité plus ou moins bienveillante. Pour tous les désargentés, pour ceux qui ne disposent pas d’un patrimoine, pour les travailleurs qui sont sous le joug du capital, le système impose sa loi et sa dureté, il est impossible d’en tirer parti : c’est un peu comme la météo, il faut s’y adapter, subir ses sautes d’humeur, ses exigences, ses contraintes ; quand le mauvais temps est là, on ne peut rien y faire si ce n’est courber l’échine en attendant des jours meilleurs.
Mais les jours meilleurs ne viendront pas sous le régime du capitalisme financier mondialisé. Car le dérèglement climatique et son cortège de catastrophes sont aussi les fruits amers d’une économie libérale. Les pertes de récolte, les dommages aux habitations, aux édifices publics, aux installations industrielles, la spéculation sur les denrées alimentaires de base, affectent avant tout les plus démunis, ceux qui ne disposent que de leur force de travail. L’instabilité grandissante du climat, en frappant à l’aveugle, accentue l’injustice sociale.
De la neige au Mexique, une douceur quasi-estivale à New-York ou Montréal, une sècheresse et des incendies en Espagne en pleine saison des pluies : en cette fin d’année 2015, les incongruités du climat accompagnent la folie humaine et l’ineptie d’un système qui échappe à tout contrôle. En Grande Bretagne, des inondations inédites mettent à bas des ouvrages d’art vieux de plusieurs siècles. Les bouleversements engendrés par le réchauffement climatique affectent la permanence des choses, la sécurité que peut représenter un environnement domestiqué et nous placent encore un peu plus sous la dictature du court terme et l’arbitraire de l’imprévu.
Dans ce grand jeu de loterie climatique, il peut y avoir encore quelques gagnants. Sous les latitudes extrêmes, les pôles ou les tropiques, le changement, plus marqué, est à coup sûr catastrophique car la rupture de la permanence du froid ou l’accentuation de la chaleur détruisent rapidement un écosystème particulièrement fragile mais, sous nos latitudes, c’est selon, c’est un peu à pile ou face : il peut arriver que des bouffées de chaleur, en hiver, soient agréables. Les chaînes de télévision nous présentent, benoîtement, les gagnants du climat détraqué pour ce mois de décembre: les vacanciers du Pays basque qui se baignent et font leurs emplettes en bras de chemise sur les marchés locaux. En France, moins de trois semaines après la COP 21, et par ces temps de fêtes, les médias préfèrent la frivolité à la pédagogie. Mangeons notre pain blanc sans sourciller. . .
Evidemment, par ces temps de terreur généralisée, un peu de décontraction est bienvenue ; on ne peut pas toujours traiter l’information sur un mode dramatique. En fin d’année, en pleine période des vœux, l’ambiance se doit d’être festive. Alors nos médias diffusent de l’information qui n’est pas vraiment de l’information, une information qui ne permet pas de réfléchir, une information qui n’est pas reliée, une information à l’envers et à l’endroit, une information parcellisée, atomisée, dérégulée comme le climat, sans permanence, sans fil conducteur. Ce mois de décembre a vu tomber le record de transactions par carte bleue, les records d’achats de Noël accompagnent ainsi les records de température . . . Autant que la catastrophe prenne des airs de fête ! Cette information qui n’est pas analysée, approfondie, est comme les pièces d’un puzzle dont le motif général devrait rester inconnu ; elle ne doit pas faire sens car elle risquerait d’aller à l’encontre des intérêts des propriétaires des médias qui sont aussi des industriels et des financiers.
Au grand jeu planétaire du loto climatique, pour quelques gagnants, les perdants sont durement frappés. Au final, ce loto ressemble au loto de la Française des jeux : ce sont les capitalistes qui en tirent le plus grand profit et c’est toujours et invariablement la communauté dans son ensemble qui en est la grande perdante.