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A 50 ans, il est devenu évêque avec les pleins pouvoirs le dimanche 20 août. Cinq jours plus tard, Mgr Jean Michaël Durhône a imprimé les premiers caractères de la relation Eglise-Etat sous son épiscopat. La ligne qu’il choisit s’inscrit dans la continuité de celle de son prédécesseur, le cardinal Maurice E. Piat. Elle s’appuie sur trois éléments clés : servir la dignité humaine, un partenariat responsable, le discernement des signes d’espérance. Et quels que soient les divergences, l'évêque de Port-Louis souhaite que la relation se passe dans « le respect des uns et des autres et dans le dialogue » pour construire « une société mauricienne plus fraternelle, plus juste et plus solidaire avec les plus faibles ».

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D’entrée, et devant des femmes et hommes politiques, Mgr Durhône précise que ses responsabilités sont temporaires. Il est conscient qu’il quittera un jour ce poste. Il n’est pas évêque pour toujours. Mais sa dignité d’homme restera, au-delà des fonctions. « Notre dignité sociale est pour un temps. Ce poste ou cette fonction que ce soit dans l’Eglise ou la société, il s’arrête un moment donné. Je pense que c’est de même dans la vie politique. Il y a un moment dans une vie où on occupe des postes bien importants au niveau de l’Etat, du pays. Mais un jour, pour différentes raisons, cette responsabilité s’arrête. Mais est-ce que pour autant cette dignité s’arrête ? Non ! Votre dignité continue et jamais ne s’arrêtera », a-t-il souligné.
L’évêque rappelle aussi que nous sommes tous égaux : « Nous naissons et mourrons de la même manière. Même si j’ai tout ceci à porter [il montre ses habits d’évêques] mais nous sommes pareil […] Nous venons sur terre sans vêtements, sans grand-chose et un jour, nous partirons et laisserons tout ceci. La manière dont quelqu’un vit ses responsabilités compte beaucoup dans sa vie », a ajouté Mgr Durhône.
Respecter les toxicomanes
Dans le cadre du partenariat responsable qu’il souhaite, l’évêque de Port-Louis a cité les secteurs de collaboration actuels – éducation gratuite, pauvreté, santé – et a salué les propos du Premier ministre le 8 août dernier lors du lancement d’une campagne « unis contre la drogue. A Souillac, Pravind Jugnauth s’était référé à la toxicomanie comme une maladie. Une considération déjà demandée en novembre 2018 par le cardinal Maurice E. Piat. Mgr Durhône a rappelé que les toxicomanes méritent d'être respectés. Parfois j’entends « guett sa zenn la, linn tom dans la drog, lisien pli bon ki li. Less zot mort kouma enn lisien. Comié fois noun tann sa : zot inn rodé, zot merité ce qui zot pe gagner [regardez ce jeune, il est tombé dans la drogue. Les chiens valent plus que lui. Qu’il meure comme un chien. Combien de fois n’a-t-on pas entendu : ils l’ont cherché, ils méritent les conséquences] », a dit l’évêque de Port-Louis soulignant que ce sont des paroles dégradantes qui ne respectent pas la dignité de ces jeunes ou ces adultes détruits par la drogue et de la même manière directement ou indirectement leurs familles et leurs enfants et leurs parents.
S’agissant du discernement de signes d’espérance, Mgr Durhône a souligné que cette espérance souhaitée ne consiste pas à ouvrir les mains et attendre que le bien à faire tombe du ciel. « Il faut ensemble, chercher le bien de la population mauricienne, ensemble construire un pays où chaque citoyen se sent bien et personne ne se voit citoyen de 2e ou 3e classe ». Et de bien préciser que « l’Eglise ne se situe pas contre l’Etat ou tout gouvernement qui est en place aujourd’hui et demain » et que « l’évêque se met sous l’autorité de la Parole de Dieu pour travailler à l’amélioration de la vie des personnes sur terre ».
Et pour conclure son homélie, une pointe d’humour à propos de calvitie : « Mo ti ena tigit sévé, mo pensé defwa mo bann seve pou graine net. Mais même si li grainer, mo capav trouve bann zoli signes d’espérance ki nou société mauricienne pou ena. Avant mo lizié fermé mo capav trouv bann zoli signe d’espérance pour notre société mauricienne [j’avais peu de cheveux, je pense parfois que mes cheveux vont tous tomber. Mais même s’ils tombent, je peux voir de beaux signes d’espérance pour notre société mauricienne. Avant de mourir, j’espère voir de beaux signes d’espérance pour Maurice] », a souhaité l’évêque de Port-Louis.
Marche pontificale et "Motherland"
La messe de la Saint-Louis est un rendez-vous annuel qui rassemble traditionnellement, les autorités de l’Etat mauricien et de l'Eglise catholique à la cathédrale. Cette année des députés du gouvernement et de l’opposition ont été invités à dire des prières dites "universelles" qui permettent aux fidèles de porter des intentions de l’Eglise, de tous les hommes et les leurs parfois. Ces intentions sont librement choisies pour chaque célébration, en fonction de l’actualité. Il était intéressant de noter que ce sont des représentants de la nouvelle génération d’élus : Joanne Tour (majorité), Fabrice David et Joanna Bérenger (opposition) qui étaient sollicités et non les leaders ou les présidents de partis. Place donc aux plus jeunes.
Durant cette célébration, l'assistance a apprécié les talents de l’orchestre de la police qui a offert la marche pontificale, hymne du Vatican en entrée et l’hymne mauricien, le Motherland, avant l’envoi.
La sortie de Mgr Durhône s’est faite dans la joie et une grande communion avec un contact direct entre l'évêque et les fidèles venus le saluer. Rien à voir avec la procession d’envoi à Marie-Reine-de-la-Paix le 20 août, où le nouvel évêque était encadré par une équipe de « Zezi vre zom » qui en a clairement trop fait, pensant peut-être qu’un danger justifiait un mur musclé séparant l’évêque de ceux qui avaient pourtant patienté des heures sous le soleil et la pluie.

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Une cérémonie où nous avons aussi pu observer le cardinal Maurice E. Piat qui a clairement cédé la place, toute la place à Mgr Durhône. Il a tourné la page. A l’évêché, après la cérémonie, Mgr Piat - qui n’aime pas particulièrement les séances de photos - a dû voir comment le nouvel évêque s’en sortait au milieu de toutes les sollicitations. Mgr Durhône s’est volontiers prêté aux séances de poses et de selfie avec tous ceux qui le souhaitait. Il est arrivé à s’échapper quelques secondes pour une tasse de café. Le nouvel évêque devra aussi s’habituer à cette calotte violette qui ne tient pas encore bien sur la tête. Dans les conversations, nous apprenons entre autres que le Conseil des ministres a été décalé pour permettre aux membres du gouvernement d’être présents pour la messe.

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Maintenant, à notre tour de rechercher une photo de l’évêque. Voudriez-vous vous mettre à côté du buste du Père Laval, Mgr Durhône ? « Mo pa digne ! [Je n’en suis pas digne !] », dit-il. Devrons-nous insister ? Arrive un sourire qui nous permet de vous offrir cette photo du nouvel évêque de Port-Louis aux côtés de l’apôtre des Mauriciens.

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Jean-Luc Mootoosamy, Media Expertise