Quand on milite dans un parti politique, de gauche, depuis plus de 50 ans comme c’est mon cas, au PSU puis au PS, nulle part et enfin au Parti de Gauche avec Jean-Luc Mélenchon, on se sent, aujourd’hui, un peu dérouté. D’habitude, après une séquence électorale comme on vient d’en vivre une, on organise un congrès pour faire le bilan de l’action et tracer les perspectives d’avenir.
Rien de tel à la FI, puisque la FI n’est pas un parti. Nous n’avons même pas d’interlocuteur si nous voulons parler globalement de la situation de la France Insoumise dans le contexte actuel. Mon parti, le PG a, lui, totalement disparu des radars médiatiques et militants. À quoi sert-il maintenant ? Mystère…
Pas d’autre solution, donc, que de s’adresser à la terre entière — sur le Net, ici — pour poser les questions que je me pose et proposer des perspectives. J’en ai déjà parlé évidemment, aux quelques amis avec qui je milite quotidiennement et d’autres que moi font des propositions d’évolution de la FI. L’addition de toutes ces réflexions va peut-être, je l’espère au moins, devenir un vrai projet collectif.
Nous ne sommes pas partis bien loin
Car, où en sommes-nous collectivement, au niveau le plus pertinent c’est-à-dire au niveau national ? On peut dire que les élections législatives ont représenté une grande victoire par rapport à la précédente puisque nous avons 5 fois plus de députées ! Il n’empêche que JLM nous a dit « je peux être président de la République » et il n’est pas président de la République. Il a dit alors, « c’est pas grave, élisez-moi premier ministre » et il n’est pas premier ministre.
Maintenant, on fait quoi ? On distribue des tracts pour la prochaine échéance et basta ?
Disons donc ici ce que nous pourrions tous dire dans un congrès pour en tirer les conséquences : nous devons devenir un parti populaire de masse. Les législatives ont confirmé que nous avions su re-mobiliser l’électorat des quartiers dits « populaires » dans la périphérie des grandes villes. En revanche, dans les campagnes abandonnées par l’État et les services publics, ceux que nous appelons les « fâchés pas fachos » ont majoritairement voté pour le RN cette fois encore, moyennant quoi, les droites toutes confondues ont globalement et largement conservé le pouvoir au Parlement et donc au Gouvernement.
Sans compter que la moitié de l’électorat ne vote même plus. On peut faire toutes les belles campagnes qu’on veut, ceux-là continueront à dire, ce qu’ils nous ont dit sur les marchés pendant tout le printemps : « Sont tous les mêmes, faites pas chier avec vos conneries ! ». La méthode « Coué » qui consiste à dire et à répéter « On va gagner » ne fonctionne pas du tout avec ces citoyens-là. Nous n’avons, dans les petites communes et à la campagne, quasi aucun élu ni militant, ceux qui pourraient servir à un réel développement d’une base populaire massive. À moins que ce ne soit le manque de militants dans les villages qui ait pour conséquence l’absence d’élus locaux… La poule ou l’œuf ?
Comment sortir de cette impasse ?
Comment devenir une force agissante avec les habitants des quartiers et des villages ? Comment devenir un contre-pouvoir réel sur le terrain ? Les dizaines de bénévoles et les professionnels de la com qui ont mené avec brio les deux dernières campagnes depuis Paris n’y peuvent plus rien. Un développement sur le terrain, par le terrain, pour les « gens » et avec les « gens », ne peut être réalisé que par les militants du terrain. C’est la seule voie de sortie, me semble-t-il, et je n’en ai pas encore entendu parler à la France insoumise.
Il faut créer des alternatives collectives aux services publics défaillants, former des cadres animateurs de la vie politique pour inciter les habitants eux-mêmes à s’organiser pour se rendre service, organiser des fêtes — pas seulement entre militants —, créer des permanences de défense des consommateurs, des Amap, des bureaux d’écrivains publics, des ateliers d’initiation à la dématérialisation des démarches administratives, des coopératives d’insertion…
Les jeunes Insoumis de ma ville ont distribué des vivres aux étudiants pendant le confinement, d’autres ont créé une distribution de paniers de légumes. Ce n’est donc pas si compliqué !
Je pense qu’il faudrait aussi tenter de développer des relations et des actions communes avec les activistes écolo altermondialistes et anticapitalistes qui poursuivent les mêmes objectifs que nous, s’ils veulent bien, enfin, se mêler de politique politicienne… Et si là, les parisiens passaient des accords nationaux avec eux, ça nous faciliterait la tâche.
Il me semble que ce serait la meilleure — si ce n’est la seule — manière de redonner le goût de la politique à ceux qui croient encore que tous les militants sont des individus assoiffés de pouvoir, alors que c’est surtout du bonheur à vivre ensemble. A gauche, au moins !.
Ce n’est pas facile, ce n’est pas gagné d’avance, mais je ne pense pas que la France Insoumise puisse en faire l’économie.
Demain, c’est trop tard
C’est maintenant qu’il faut commencer. Nous n’avons plus que 4 ans pour nous implanter durablement dans les villes et les villages de France. Et cette fois, la belle équipe parisienne qui a tout réfléchi jusqu’à présent ne pourra pas le faire à notre place.
Ce sont aux électeurs qu’il faut s’adresser partout en urgence. S’ils ont compris que la situation va bientôt devenir dramatique socialement, écologiquement, économiquement, culturellement, c’est à nous de leur dire comment ils peuvent faire pour aider, sans se contenter d’avoir « son opinion ».
Dans ma petite commune, les électeurs de JLM et de la Nupes sont majoritaires depuis 2017. A tous ceux que je connaissais j’ai envoyé un mail pour leur demander « qui veut m’aider à faire campagne ? ». Zéro réponse. C’est cela qui doit changer, s’il n’est pas trop tard.
Mon groupe d’action a décidé de créer une association politique dès le mois de septembre pour commencer le travail, qui adhèrera à la FI si elle reste « gazeuse ». Quand ils seront finalisés, je tiendrai les statuts à disposition de qui veut.