
Deux fois plus grande que la France, la Colombie est un pays magnifique, deuxième au monde en termes de biodiversité.
La Colombie est un pays meurtri par le conflit armé qui a fait, entre 1964 et 2016, 260 000 morts, 45 000 disparus et 6 millions de déplacés et constitue, selon le sous-secrétaire des Nations unies pour les questions humanitaires, « la plus grande catastrophe humanitaire de l’hémisphère occidental ». La grande majorité des assassinats ont été le fait de groupes paramilitaires, la plupart à la solde de multinationales, notamment minières (le « droit à la terre » a été la revendication première des Forces armées révolutionnaires de Colombie / FARC). Les victimes sont pour la plupart des paysans ou des leaders communautaires présentés par les militaires et les paramilitaires comme des guérilleros tués au combat. La Juridiction spéciale de paix établit en 2021 que plus de 6 400 civils ont été exécutés par l'armée entre 2002 et 2008. Depuis l’accord de paix signé le 23 juin 2016, cela n’a pas cessé : plus d’un millier de personnes (leaders dirigeants sociaux, indigènes, afro-colombiens, paysans, membres de la communauté LGBT et 64 signataires de l'accord de paix), ont encore été assassinés. Le syndicaliste Diego Betancourt, le paysan Alfredo García, le leader communautaire Robinson Quino et la femme indigène Luz Aída Conchave ne sont que quelques-uns des militants dont la vie a été enlevée cette année. Le leader social Julián Esneider Muñoz, abattu de six balles alors qu'il quittait son domicile pour se rendre chez le coiffeur, figure également sur cette liste. Le jeune homme de 24 ans faisait partie d'un collectif de jeunes appelé "Prisonniers de l'espoir", qui vise à détourner les enfants et les adolescents de la violence et de la délinquance. En février dernier, Human Rights Watch a présenté un rapport dévastateur de 136 pages Intitulé "Leaders sans protection et communautés sans défense : assassinats de défenseurs des droits de l'homme dans les zones reculées de Colombie", il documente et détaille les cas qui se sont produits dans tout le pays au cours des cinq dernières années. L'ONG dénonce également dans son rapport "l'insuffisance" des efforts du gouvernement colombien pour prévenir ces crimes et protéger les victimes potentielles. (Lire ICI) Le président (uribiste, d’extrême-droite) Ivan Duque a cyniquement répondu à ce rapport qu’il était impossible à l’Etat colombien de protéger les leaders sociaux, environnementaux, etc., au motif que ceux-ci étaient… trop nombreux !

La Colombie est un pays terrible : malgré une croissance solide et régulière, la Colombie (quatrième économie d'Amérique latine) figure encore parmi les quinze pays les plus inégalitaires au monde. Les 2/3 de la population y vivent sans aucune protection sociale, l’accès aux études supérieures, très cher, est réservé aux classes supérieures, etc., etc. Alors que le pays est durement touché par le Covid (avec plus de 2,8 millions de cas de Covid-19, la Colombie est le troisième pays d'Amérique latine le plus affecté après le Brésil et l'Argentine. Il se place derrière le géant brésilien et le Mexique pour le nombre de décès, plus de 72 200), le président Ivan Duque a voulu profiter de la situation pour faire passer une triple réforme qui aggraverait encore la situation des plus modestes. Réforme de la santé, réforme des retraites, et réforme fiscale « reforma tributaria »), qui augmenterait les impôts des particuliers et des entreprises et supprimerait de nombreuses exemptions, afin de récolter environ 6 milliards de dollars supplémentaires entre 2022 et 2031. C’est contre cette « reforma tributaria » que les Colombiens sont massivement descendus dans la rue, le 28 avril dernier.
La contestation a été très vive dans tout le pays, particulièrement à Cali, désormais surnommée « la capitale de la résistance » colombienne. Alors qu’une quinzaine de manifestants (au moins) y ont été tués, le président Duque a qualifié ces manifestations de « vandalisme criminel ». Dans un tweet (ensuite supprimé par Twitter), l’ex-président Alvaro Uribe demandait « le droit aux militaires et policiers d’utiliser les armes ». Malgré ces menaces, le mouvement de protestation s’est poursuivi dans tout le pays, obligeant hier, dimanche 2 mai, le président Duque à demander le retrait (ou plutôt la modification) de la « reforma tributaria ». Les syndicats et partis d’opposition ont salué cette première victoire, tout en demandant la démission du ministre en charge de cette réforme, et l’abandon des réformes de la santé et des retraites. Dans la rue, la mobilisation s’est poursuivie, surtout à Cali, épicentre de la contestation. (https://www.facebook.com/jhon.henao.73/videos/4620163921332919)
Alors que l’ambiance était festive et pacifique, l’armée est brutalement intervenue, tirant dans la foule, pourchassant les jeunes manifestants. Nuit sanglante, dont le bilan définitif n’est pas encore établi : au moins plusieurs dizaines de morts rien qu’à Cali. Dans un message solennel posté cette nuit, le sénateur Wilson Arias (Pôle démocratique alternatif, Cali) dénonce des faits gravissimes d’assassinats, tortures d’enfants, viols, etc., commis par l’armée dans tout le pays, et en appelle à la communauté internationale.
https://www.facebook.com/WilsonAriasC/videos/844891706374016
En France, un appel est lancé à un premier rassemblement de protestation ce lundi 3 mai à 16 h, devant l’Ambassade de Colombie à Paris, 49 rue du Faubourg-Saint-Honoré.