AJOUT DU 9/02/2017 à 16:03 :
INQUALIFIABLE, l'enquête de l'IGPN qui conclut à "un accident". Du genre "C'est pas moi, chef, c'est ma matraque toute seule qui...", ou alors il faut inventer une nouvelle notion, le VIOL PAR INADVERTANCE ?
Qui a intérêt à ce qu'explose la marmite des cités ?
La Marine nationale se frotte déjà les mains...
Le voilà, le véritable appel d'urgence :
Il faut faire, je fais vite.
A Aulnay-sous-Bois, les premières condamnations sont tombées.
Sur les vingt-six personnes arrêtées dans la nuit de lundi à mardi, six ont été jugées ce mercredi 8 février. Cinq des six prévenus ont été reconnus coupables des faits d’embuscade à Aulnay-sous-Bois, à la suite des incidents survenus après le viol présumé de Théo. Parmi les cinq majeurs renvoyés en comparution immédiate pour des faits « d’embuscade », deux ont été condamnés à une peine de six mois de prison ferme sans mandat de dépôt – ce qui signifie que leur peine est aménageable –, les trois autres à six mois de prison avec sursis.
Six mois de prison avec sursis... Exactement la même peine requise contre un policier municipal de Drancy pour des faits similaires, survenus le 29 octobre 2015 : matraque dans l'anus, plaie ouverte profonde de 1,5 centimètre. (Pour information, le policier incriminé est toujours en service). http://www.lemonde.fr/police-justice/article/2017/01/17/un-policier-municipal-juge-pour-violences-volontaires-avec-arme_5063898_1653578.html
Le tribunal correctionnel de Bobigny doit rendre son verdict le 20 février. L'avocate du jeune homme violenté à Drancy, a vainement demandé que l'affaire soit renvoyée à l'instruction et requalifiée en crime. Devant une cour d'assises, le policier risquerait 20 ans de prison pour un viol en réunion avec usage d'une arme. Devant un tribunal correctionnel, seuls des faits de violence volontaire avec usage d'une arme par personne dépositaire de l'autorité publique peuvent être retenus.
Rappelons encore que dans une affaire similaire, survenue en 1991 à Bobigny, la France a été condamnée pour torture par la Cour européenne des droits de l'homme (Cedh) : http://www.humanite.fr/node/211691
Il n'y a pas à tergiverser : les policiers incriminés dans "l'affaire" d'Aulnay-sous-Bois devraient être traduits en cour d'assises. Manifestement (sous réserve des conclusions de l'enquête judiciaire), les faits de torture sont avérés.
François Hollande peut bien se déplacer au chevet de Théo, Théo et son entourage peuvent bien (avec une dignité exemplaire) appeler au calme, il en faudra plus pour réparer le profond sentiment d'injustice(s) dont se sentent victimes les "jeunes de banlieues". Et pour l'heure, leur colère émeutière est pleinement légitime.
Ce n'est pas pour le plaisir de me citer moi-même, mais je reproduis ici un texte écrit en 1991, sous forme de "Lettre ouverte à Edith Cresson", alors premier ministre ; texte resté inédit (alors refusé par "Le Monde" et "Libération") jusqu'à ce que je reprenne dans mon dernier livre, "Nuit Debout et culture assoupie". Je mesure aujourd'hui toute la part de "naïveté" que contient ce texte. J'assume : nous étions alors en 1991.
Éloge des casseurs
(Lettre ouverte à Édith Cresson, Premier ministre, 1991)
CONTEXTE - Des « casseurs », il fut abondamment question dans les commentaires gouvernementaux et dans beaucoup de médias, à propos de NuitDebout et des manifestations contre la loi Travail. Petit retour en arrière : Édith Cresson, Premier ministre de François Mitterrand, du 15 mai 1991 au 2 avril 1992a été la première personnalité politique, dans une période récente, à utiliser le mot « casseurs », qui n’existe pas en 1980, sous la définition ainsi donnée, dans le Dictionnaire Hachette de la Langue Française. Les propos d’Edith Cresson visent alors des incidents survenus lors des mobilisations locales et syndicales contre la réforme préparée par Lionel Jospin des premiers cycles universitaires (réduction des heures de cours et des travaux dirigés ou travaux pratiques. Quelques mois plus tôt, dans la nuit du 6 octobre 1990, des émeutes avaient éclaté à Vaulx-en-Velin, en banlieue lyonnaise : des jeunes avaient incendié des voitures et des magasins, suscitant l’intervention des forces de l'ordre. En novembre 1981, la gauche avait pourtant abrogé la loi dite « anti-casseurs » adoptée en 1970 sous le gouvernement de Valéry Giscard d’Estaing.
Le texte ci-dessous a été écrit en vue d’une tribune, alors refusée par Libération et Le Monde.
Madame le Premier ministre,
Pour juguler la crise des banlieues et les violences qui s’y sont déroulées tout récemment, votre gouvernement a eu deux idées :
- « offrir des vacances » au vert à certains des jeunes de ces banlieues, cet été ;
- et pendant ce temps, renforcer la présence des îlotiers dans les cités.
Cela, Madame le Premier ministre, s’appelle se moquer des gens, et les gens n’aiment pas longtemps que l’on se moque d’eux.
La situation des banlieues et de la jeunesse mérite une approche radicalement différente, est bien plus large.
Souvenez-vous : hormis Vaulx-en-Velin, qui en fut l’épicentre, la première apparition centrale (à Paris intra-muros) de l’énergie des banlieues fut la grande manifestation lycéenne à Paris.
On a alors, d’emblée, voulu séparer le bon grain de l’ivraie en distinguant les « lycéens travailleurs » des « casseurs ». Il faudrait enfin comprendre que les choses sont liées, et que les « casseurs » ne sont que l’expression exacerbée du malaise qui s’exprime dans les banlieues et dans la jeunesse : à savoir ; quel est l’avenir des uns et des autres ?
Madame le Premier ministre, avez-vous déjà assisté un concert de rap ? Trouvez-vous réellement les graffitis laids et « dégradants » ? La vérité est que la jeunesse des banlieues, dans son formidable métissage, est actuellement en France la seule expression vivante de la fête de la communauté.
Et si c’était cela précisément que l’on craignait de la jeunesse des banlieues ? Qu’elle exprime des valeurs qui n’ont pas et n’auront jamais leur place dans le « nouvel ordre mondial » tout entier dicté par le pouvoir économique.
À quoi donc s’attaquent les « casseurs » ? Aux magasins, et notamment à ces centres commerciaux dont on voudrait nous faire croire qu’ils sont les seuls et derniers lieux d’animation des cités déshéritées. Encore une fois, de qui se moque-t-on ? En attaquant (plus d’ailleurs qu’en pillant véritablement) ses centres commerciaux, les « casseurs » ne signifient nullement ils entendent avoir leur part du gâteau de l’obscène société de consommation qui s’étale partout. Il y a là un formidable malentendu. Les « casseurs » signifient là, au contraire, et de façon spectaculaire, leur rejet absolu de cette société de consommation (qu’il vaudrait mieux appeler société de marchandisation) dont ils savent bien qu’elle exclut définitivement leurs valeurs de fête et de communauté.
Il serait grand temps que le gouvernement « socialiste » (si ce mot encore une valeur) de la France fasse un éloge des casseurs, c’est-à-dire un éloge des banlieues et de la jeunesse.
Souhaitez-vous réellement redresser la tête face à cette flambée de violence ? Avez-vous la volonté d’éviter, dans quelques années, une libanisation de ce pays ?
Les solutions sont simples et évidentes.
Cela commence par l’éducation (n’était-ce pas la priorité du second septennat de François Mitterrand ?). Il faut que l’éducation redevienne un lieu et un moment d’apprentissage de la vie, et non un lieu et un moment de pseudo apprentissage à la vie économique conduisant directement à l’impasse du chômage.
Pour commencer. Faites-en sorte que dans chaque lycée de banlieue, à la rentrée scolaire 1991 1992, fonctionnent des ateliers d’arts plastiques de musique animée par des artistes (ils existent !) ; des artistes qui puissent valoriser la culture des banlieues en faisant jouer :
- que des peintures de Lascaux aux graffitis, en passant par les fresques de Giotto et les sculptures de Giacometti ;
- que des percussions africaines au rap, en passant par le chant grégorien, Mozart et Bartók ; il s’agit de la même chose !
Cela, pour commencer.
Aurez-vous au moins cette volonté ?
Texte inédit, avril 1991.