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Billet de blog 12 mars 2017

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La voix des territoires, lettre ouverte aux maires de France

Ce 12 mars 2017, seul un quart d’entre vous, maires de France, élu.e.s des territoires, avez accordé votre parrainage à un.e candidat.e à l’élection présidentielle. Ce scandale démocratique doit cesser.

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Madame, Monsieur,

Vous êtes 35.287 en France métropolitaine, 129 dans les outre-mer (pour ne parler que des seul.e.s maires. En fait, vous êtes 47.000 1).

60% d’entre vous êtes à la tête d’une commune de moins de 500 habitants.

Et pourtant, une fois tous les cinq ans, vous avez un pouvoir énorme. Votre voix a autant de poids que celles des maires de Paris, de Lyon, de Marseille, de Nice, de Lille, de Strasbourg, de Rennes, de Nantes ou de Montpellier. A condition que vous saisissiez la chance d’exercer ce pouvoir. A condition que vous décidiez de parrainer un.e. candidat.e à l’élection présidentielle.

Disons que ce n’est pas là une simple liberté qui vous serait offerte, mais un devoir républicain que vous vous devez d’assumer. Si vous n’êtes pas les premier.e.s à vous engager dans ce devoir républicain ; alors à quoi bon venir plus tard se lamenter des taux d’abstention qui caractérisent désormais chaque consultation électorale ; à quoi bon répéter l’incantation aux « valeurs républicaines » dont certains s’écarteraient ?

Votre tâche d’élu.e local.e est souvent ingrate. Raison de plus pour vous saisir, ici et maintenant, pleinement, du peu de responsabilité qui vous reste.

Vous êtes les premier.e.s à vous désoler que trop souvent les décisions tombent « d’en haut », de Paris, ou désormais de Bruxelles. Or, la richesse nationale, vous êtes bien placé.e.s pour le savoir, vient d’abord de nos territoires. Faites entendre la voix des territoires, en premier lieu celle des territoires oubliés, délaissez.

Au 10 mars 2015, seul un quart d’entre vous (9.167 sur 35.416 communes, soit 25,88 %) ont accordé leur parrainage à l’un.e ou l’autre des candidat.e.s à l’élection présidentielle ( http://www.lefigaro.fr/elections/presidentielles/2017/03/02/35003-20170302ARTFIG00084-presidentielle-2017-decouvrez-le-nombre-de-parrainages-par-candidat.php ).

La tâche, il est vrai, est périlleuse. Votre parrainage sera en effet rendu public par le Conseil constitutionnel. Or, comme l’écrit le site politique.net, « pour éviter une multitude de candidatures, les grands partis font pression sur les élus pour qu'ils n'accordent par leurs parrainages aux petits candidats. Puisque les noms des signataires sont rendus publics, les maires craignent soit des sanctions de leurs électeurs lors des prochaines élections municipales, soit des pressions de la part des grands partis qui détiennent souvent le pouvoir exécutif dans les régions ou dans les départements. Un chantage peut donc être fait : si un maire accorde un parrainage à un petit candidat, on peut en représailles lui retirer les subventions. Par conséquent, les "petits candidats" rencontrent des difficultés pour obtenir les 500 signatures. Ces difficultés peuvent concerner des candidats qui recueillent pourtant des millions de voix lors de ces élections. »

(http://www.politique.net/500-signatures.htm)

Madame, Monsieur, vous avez a minima, j’imagine, des yeux, des oreilles et un nez. Ne voyez-vous pas, n’entendez-vous pas, parmi vos administrés, et pour beaucoup d’entre vous, en votre for intérieur, l’immense dégoût, la désaffection majoritaire, qui s’affirment à l‘encontre de la politique et de cette res publica qui constitue notre bien commun le plus précieux ? Et avec votre nez, vous devez bien constater que quelque chose sent mauvais, pour ne pas dire très mauvais. Normal : un système de représentation, et d’exercice de la vie démocratique, est en train de se décomposer. Et en général, les odeurs dégagées par les matières en putréfaction ne sont pas très agréables. En même temps, arrive le printemps. Autre chose se recompose. Les bourgeons sont déjà là.

Les sondages qui précèdent l’élection présidentielle donnent en tête des candidat.e.s qui prétendent s’ériger en rebelles au système établi, alors que tous, y compris la candidate du Front national, la plus radicale des « anti-système », alors même qu’ils et elle sont issus de ce « système » qu’ils vilipendent avec des cris de vierge effarouchée. La vérité, et vous le savez bien, est que notre pays est traversé par un immense courant souterrain, une volonté désirante de citoyenneté retrouvée. Nos concitoyen.ne.s veulent se sentir écouté.e.s, considéré.e.s et respecté.e.s à leur juste valeur. Beaucoup veulent prendre part (et le font déjà, à travers de nombreux mouvements associatifs et/ou citoyens) aux décisions qui les concernent et qui engagent l’avenir de leurs enfants. Au fond, plus personne ne croit vraiment à l’homme ou à la femme providentiel.le, qui viendrait extraire le pays de la mouise ambiante. La solution ne peut venir que de nous, en intelligence collective, citoyen.ne.s d’un pays qui a su  proclamer la Déclaration universelle des Droits de l’Homme.

Ce 12 mars 2017, sept candidat.e.s (quatre hommes et deux femmes !) ont d’ores et déjà réuni les 500 parrainages nécessaires.

Ce 12 mars 2017, quinze candidat.e.s (douze hommes et trois femmes !) sont encore à la peine : Jean-Luc Mélenchon, Jacques Cheminade, Jean Lassalle, Philippe Poutou, Rama Yade, Alexandre Jardin, Christian Troadec, Jean-Pierre Gorges, Didier Tauzin, Michèle Alliot-Marie, Oscar Temaru, Charlotte Marchandise, Bastien Faudot, Pierre Larrouturou et Henri Gaino). Chacun.e d’entre eux est porteur.se d’idées et de propositions qui devraient être inclus dans le débat démocratique.

Il reste moins d'une semaine pour que vous donniez toutes ses chances à la démocratie. Sans doute craignez-vous, pour les raisons évoquées plus haut, de vous engager personnellement. Alors, prenez modèle sur Aurélien Tabuteau, le maire de Plaisance (Vienne) qui a décidé, après avoir obtenu le feu vert de son conseil municipal, de solliciter des concitoyens pour choisir le candidat auquel il confierait son parrainage. Après que 54 habitants de Plaisance soient allés voter, contre toute attente, c'est une femme, la candidate citoyenne Charlotte Marchandise (elle-même choisie par 32 685 votants sur le plateforme de la Primaire citoyenne) qui est arrivée en tête, devant les principaux leaders politiques. A lui seul, cet exemple redonne confiance dans la vigueur de la vie démocratique.

Madame, Monsieur, saisissez-vous MAINTENANT des pouvoirs que vous congère la Constitution. Ydéroger serait une faute démocratique grave. Votre dignité d'élu.e est entre vos mains.

(1)- Seuls les élus peuvent apporter leur soutien à une candidature, c'est-à-dire les maires, mais aussi les députés, les sénateurs, les parlementaires européens, les conseillers régionaux et généraux ainsi que des membres de l'Assemblée corse et des Assemblées d'outre-mer. Au total, il y a donc potentiellement plus de 47 000 élus qui peuvent signer.

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