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les humanités - Tu es architecte urbaniste, est-ce que ça ne t'indispose pas si on ajoute poète et philosophe ?
Patrick Bouchain - Je ne suis ni architecte, ni urbaniste, ni poète, ni philosophe. Au départ, je voulais être coiffeur. J'ai quitté l'école en troisième, quasiment à la demande de mon père, parce que je m’y ennuyais. Je me suis donc auto-formé, et je voulais être coiffeur parce que je voulais tenir la tête de quelqu'un, le transformer en le regardant dans la glace. Mon père a dit « non, c'est quand même pas un métier très sérieux. Fais autre chose. » Et comme il était décorateur, je suis devenu décorateur avec lui, et c'est pour ça que j'ai porté le nom de scénographe, parce que décorateur, étalagiste et scénographe, à l’époque, à l’époque ce n’était pas la même chose.
les humanités - Quelque part tu es resté coiffeur, parce que tu n’as pas cessé de tenter de donner des visages à l'architecture et à l'urbanisme.
Patrick Bouchain - Je suis quand même resté coiffeur... Quand j'enseignais, le premier acte d'entrée à l'école, c'était que je coiffe tous les étudiants. Ce qui m'intéressait, c'était de tenir la tête de quelqu'un et de lui parler. Il y a quelque chose qui est lié au fait de toucher, et toucher par derrière, ce n’est pas pareil que de toucher par devant, et toucher en se regardant ensemble.
les humanités - Tu viens d’utiliser le mot "ensemble"... C'est un mot qui est fondamental chez toi.
Patrick Bouchain - Oui, parce que je pense qu'on ne peut pas faire les choses seul. C'est très rare. Donc on est obligé de le faire avec quelqu'un d'autre. Et deux, ce n'est pas suffisant. Trois, c'est mieux, et un peu plus encore mieux, parce qu'on peut aller de l'un à l'autre, on peut, quand on se fâche ou quand on est fatigué, se reposer et découvrir les autres. Mais j'ai surtout utilisé le mot "ensemble", parce que j'ai travaillé dans une grande agence d'architecture qui travaillait sur les "grands ensembles". Ce mot a été ambigu dès le premier jour où il a été utilisé, car il devait sûrement y avoir cette idée du grand ensemble social, mais c'était un "ensemble" qui était un peu un ghetto social. D'ailleurs, le ministre de l'équipement, Olivier Guichard, a utilisé ce mot à l'Assemblée nationale en disant que les grands ensembles ne produiraient que de la violence. C'est ça qui m'a intéressé, pourquoi "ensemble" peut produire de l'harmonie, et pour certains, "ensemble", c'est produire de la violence, et peut-être que de produire des "grands ensembles" coercitifs, ça ne peut produire que de la violence. J'ai donc décidé de ne jamais faire de logements sociaux dans des grands ensembles, et d'essayer de faire ensemble des grands ensemble.
(...) Suite de l'entretien à lire, ou voir en vidéo, à la page des humanités, journal-lucioles :
https://www.leshumanites-media.com/post/entretien-avec-patrick-bouchain-01-ensemble