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Billet de blog 18 décembre 2014

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Touchez-pas à notre Monnaie (appel à danser la carmagnole).

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Première ZAD culturelle en vue : à Bruxelles, du 23 au 31 janvier ?

De cure en cure, de lavements en potions amères, l’austérité n’en finit pas de saper nos fondamentaux (tout ce qui contribue à nous faire vivre, rêver, imaginer, aimer, respirer). La culture, par exemple. Pour nettoyer le terrain et faire place nette aux futurs Center Parcs de tout poil, ils ont commencé par enlever les buissons, polluer nos mangroves, assécher les petits cours d’eau, couper les arbustes. Maintenant, ils s’attaquent aux chênes centenaires, et même aux saules pleureurs (il faut « s’adapter », plus même de temps de cerveau disponible pour pleurer face aux dégâts environnementaux).

Dernière attaque en date (ou première d’ampleur) : le Théâtre Royal de la Monnaie, à Bruxelles. Tout un symbole : autant dire un cœur battant de l’Europe. L’Europe est en train de s’amputer elle-même (pour laisser le terrain aux Center Parcs des extrêmes-droites, on ne ferait pas mieux).

Peter de Caluwe, l’actuel directeur de La Monnaie, vient de dresser l’inventaire détaillé des économies qu’il est sommé de réaliser.  Seize licenciements, et surtout, des coupes sombres dans la programmation : le cycle Monteverdi, prévu en 2016 sous la direction de René Jacobs, est supprimé. Tout comme la production de L’opéra de quat’sous, de Kurt Weill. (voir article du Soir). Que le Théâtre Royal de la Monnaie ne puisse plus produire un opéra de quat’sous, voilà qui en dit long sur le délabrement général : on est vraiment cul par-dessus tête.

Enfin, et ce n’est pas le moindre des « coups de tonnerre » annoncés par Peter de Caluwe : la disparition pure et simple de toute programmation de danse à La Monnaie. Normal, au fond : la danse, c’est ce qu’il y a de plus vulnérable. Anne Teresa De Keersmaeker, la chorégraphe de la compagnie Rosas, en résidence à La Monnaie, a aussitôt réagi par un vibrant communiqué : « L’annonce de la direction de la Monnaie de supprimer toute sa programmation danse me frappe d’incrédulité. La danse fait historiquement partie de la mission de la Monnaie. Après l’époque glorieuse du duo Béjart/Huisman, le budget de la danse a été systématiquement réduit. La Monnaie, d’abord sous la direction de Gerard Mortier puis sous celle de Bernard Foccroulle, n’a cessé de diminuer ses investissements dans la danse. À présent, Peter De Caluwe supprime tout. Cette évolution oppose un contraste criant au statut de capitale internationale de la danse de Bruxelles.
Depuis trente ans déjà, Rosas donne ses spectacles de danse dans des métropoles comme Paris, Londres, Berlin, Amsterdam, New York, et, en Belgique, à Anvers, Gand et Bruxelles. La décision de Peter De Caluwe implique que Rosas n’aura désormais plus de « maison » pour l’accueillir à Bruxelles. Cherche-t-on à me faire passer le message que je dois chercher un autre lieu/une autre ville ? »

Au-delà du sort de la compagnie Rosas, et si nous prenions, collectivement, la Monnaie comme une nouvelle ZAD à investir ? Là aussi, il s’agirait de défendre, contre une Europe délirante qui précipite sa ruine, tout un « écosystème » vital. L’humanité même deviendrait-elle espèce menacée ? Il est grand temps de se ressaisir, non ? Un slogan pourrait nous rassembler : « Touchez pas à notre Monnaie ! ». Et pour commencer, je lance ce jour, ici-même, un appel à danser la Carmagnole devant La Monnaie, à Bruxelles. La Carmagnole est une danse quelque peu tombée en désuétude, on pourrait allègrement la reprendre en chœur ! Un premier rendez-vous pourrait être du 23 au 31 janvier 2015, aux dates où Anne Teresa De Keersmaeker crée Golden hours (beau titre !) avec musique de Brian Eno. D’ici là, ça laisse le temps d’apprendre par cœur les paroles de la Carmagnole, car il est fort à craindre qu’après Bruxelles, il faille se préparer à la danser en bien d’autres places.

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