Si nous ne voulons pas perdre le nord, il ne faut pas non plus perdre le sud, où "l'affront national" reste très fortement en embuscade.
Une presse libre et indépendante reste un antidote, un contre-poison, un contre-pouvoir.
Or, Le Ravi et César, à Marseille, viennent d'être abattus par la guerre économique. Et la prochaine victime sur la liste noire des tueurs de liberté, c'est le quotidien La Marseillaise, à deux doigts d'une "liquidation judiciaire". Un comble pour un journal né clandestinement, issu de la résistance au nazisme !
L'objectif est le suivant : être en capacité de présenter sous 15 jours un "plan de continuation" devant le tribunal de commerce, et réunir dans les meilleurs délais, pour commencer, 500.000 euros. Oui, nous le pouvons : PODEMOS !
Il y a donc urgence. D'où, à la suite des rencontres "la presse ça presse", le week-end dernier en Arles, "l'appel du 20 janvier 2015", dont j'ai donné première lecture publique hier soir au Dôme, à Montpellier, dans le cadre de l'atelier Refaire le monde :
Soyons pressés
(Appel du 20 janvier 2015, Montpellier)
La presse ça presse.
Nous sommes l’information.
Nous sommes le média.
Nous sommes le bouche-à-oreille.
Nous sommes la rumeur et le commentaire.
Nous sommes les ondes.
Nous sommes la toile.
Nous sommes les journaux.
Nous sommes les colporteurs des nouvelles bonnes et mauvaises.
Nous ne sommes plus à la page.
Le temps nous rattrape
Face à une caste politique qui nous dit : il est urgent de ne rien faire,
nous crions : le changement c’est maintenant,
et demain a déjà commencé,
rien ne sera plus comme avant
Charlie. Les armes qui ont voulu te tuer t’ont ressuscité.
Mais dans le désarmement d’autres feuilles se ramassent à la pelle :
Marseille pleure de ne plus être ravi par un journal satirique ;
Les légions culturelles de César ont déserté le Sud : c’est Rome qu’on assassine ;
Toute la Provence se prend les pieds dans le Tapie ;
Et même l’hymne national est défait, en voie de judiciaire liquidation
(qu’un sens impur abreuve nos sillons) ;
c’est la guerre des cessions et des récessions.
De Vintimille à Vendres,
bientôt ne résonneront plus les échos de la Marseillaise…
Sont-ils morts pour rien,
Mala Kriegel, Jean de Bernardy, Léon Paranque et tant d’autres,
écrasés par la botte du nazisme et de la collaboration,
tués-fusillés pour avoir écrit, imprimé, diffusé, les pages d’un journal clandestin
qui refusait que la France marche au pas de l’oie ?
Au moins, la censure d’alors était claire et nette,
elle claquait comme balle de fusil.
Aujourd’hui les censures sont silencieuses, économiques ; elles n’en sont pas moins meurtrières.
Mais aujourd’hui nous nous levons et nous élevons
contre les fanatiques de la soi-disant religion
qui ont voulu abattre un journal Charlie ;
et tout autant contre les fanatiques de la soi-disant économie
qui veulent abattre notre bien le plus cher : la liberté de s’informer et de s’exprimer.
Il faut dire, aussi, que la presse est malade d’être malade ;
que les journaux perdent des lecteurs parce que des lecteurs en puissance perdent des journaux sans puissance ;
que les financiers qui ont remplacés les journalistes n’ont que faire
de feuilles de choux même pas cotées en bourse,
qu’un journal n’est pour eux qu’un support,
et qu’ils n’ont que répugnance pour ces « journaleux » fouille-merde qui viennent mettre le nez dans les excréments de leur business.
Aujourd’hui, redevenons insupportables :
réinventons la presse qui va bien, la presse qui respire, la presse qui polémique, la presse qui révèle, la presse qui débat, la presse qui sort de la propagande publicitaire, la presse qui presse et nous presse de redevenir des citoyens libres et indépendants.
Rien, jamais, n’est inéluctable.
Cette presse qui va mal, nous nous donnons comme consigne de la réparer,
de la sauver de ses ennemis et censeurs.
Nous, atelier Refaire le monde, décidons ce jour, pour commencer, de ne pas laisser mourir de mort pas si belle César, Le Ravi et La Marseillaise,
allons lever des fonds et du désir afin de reprendre en vigueur ces titres pour qu’ils ne finissent pas dans la fosse commune du cimetière des journaux.
Oui, nous pouvons le faire
Il suffit de le décider.
Ensemble et joyeusement.
Jean-Marc Adolphe
Montpellier, 20 janvier 2015