Lors de ses vœux à la presse, le Premier ministre a répondu à une « lettre ouverte » qui lui était adressée via Médiapart voici deux ans. Sortir d’un « régime d’apartheid » ? Chiche… Il ne reste plus qu’à passer de la parole aux actes. On attend donc avec impatience la prochaine déclaration gouvernementale qui saura reconnaître que les Roms sont des gens de bien, que certains de leurs enfants seront de futurs ministres de la République française, et que celle—ci, dès maintenant, est toute disposée à les accueillir en dignité.
Mieux vaut tard que jamais ! Mais quand même, il en aura mis du temps (deux ans), Manuel Valls, à répondre à la « lettre ouverte » que je luis adressais via Médiapart, en février 2013, alors qu’il n’était « que » ministre de l’Intérieur.
Ce « courrier public » s’émouvait notamment de la « maltraitance » infligée en France aux populations Roms, et très concrètement, d’un bidonville installé à Ris-Orangis (campement qui fut sauvagement détruit et démantelé quelques jours plus tard). Rendant visite à ce bidonville en compagnie du danseur de flamenco Israel Galvan, Miguel Mora, correspondant à Paris d’El País avait alors publié sur une pleine page du grand quotidien espagnol, un long article intitulé : « Un “apartheid” gitan près de Paris »….
On comprendra donc ma surprise d’entendre Manuel Valls, hier (mardi 20 janvier 2015), lors de ses vœux à la presse, se prendre pour Nelson Mandela en déclarant qu’il existe en France « un apartheid territorial, social, ethnique ».
« Il faut ajouter toutes les fractures, les tensions qui couvent depuis trop longtemps et dont on parle uniquement par intermittence. (...) Les émeutes de 2005, qui aujourd'hui s'en rappelle ? Et pourtant... les stigmates sont toujours présents », a souligné le Premier ministre avant d’insister sur « la relégation périurbaine, les ghettos ».
Selon les mots du chef du gouvernement, à cette « misère sociale », « s'additionnent les discriminations quotidiennes parce que l'on n'a pas le bon nom de famille, la bonne couleur de peau, ou bien parce que l'on est une femme ». (…) « Nous devons combattre chaque jour ce sentiment terrible qu'il y aurait des citoyens de seconde zone ou des voix qui compteraient plus que d'autres. Ou des voix qui compteraient moins que d'autres. (...) Dans de nombreux quartiers, chez de nombreux compatriotes, ce sentiment s'est imposé qu'il n'y a plus d'espérance et la République doit renouer avec l'espérance. »
Devant quelques journalistes, selon Le Monde, Manuel Valls a ensuite expliqué : « Oui, c'est vrai ce sont des mots forts, mais il faut dire les choses clairement pour être entendu. (…) Il faut donner des réponses républicaines, sinon les Français iront chercher des réponses stigmatisantes chez le FN et Marine Le Pen. »
Monsieur le Premier ministre, encore un petit effort pour être vraiment courageux. Il vous suffit maintenant, pour rendre compte de « l’intraitable beauté du monde » (Edouard Glissant et Patrick Chamoiseau) de passer de la parole aux actes, et nous attendons avec impatience l’autocritique gouvernementale qui saura reconnaître en dignité les Roms, que vous avez laissé devenir, à leur corps défendant, les premiers boucs émissaires de toutes les insuffisances de la République.