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NUL N’EST PROPHETE EN SON PAYS - « La politique c’est mystique », déclarait Emmanuel Macron au Journal du Dimanche, en février 2017. Assumant une « dimension christique » qu’il disait ne pas renier, le candidat d’alors à l’élection présidentielle ajoutait : « Comment se construit le pouvoir charismatique ? C’est un mélange de choses sensibles et de choses intellectuelles. J’ai toujours assumé la dimension de verticalité, de transcendance, mais en même temps elle doit s’ancrer dans de l’immanence complète, de la matérialité. Je ne crois pas à la transcendance éthérée. Il faut tresser les deux, l’intelligence et la spiritualité. Sinon l’intelligence est toujours malheureuse. Sinon les gens n’éprouvent de sensations que vers les passions tristes, le ressentiment, la jalousie, etc. Il faut donner une intensité aux passions heureuses. »
Emmanuel Macron a été élu (chichement, si l’on n’omet pas le taux du niveau d’abstention, les divisions de la gauche, etc.) sur ce programme d’église : « donner une intensité aux passions heureuses. » Mais le chantre d’En marche a habilement réussi à dissimuler, pendant sa campagne électorale, quel Dieu vénérait sa chapelle : celui de l’argent-roi, comme toujours. Quand bien même on a vite vu, sitôt l’élection passée, vers quelle bigoterie se tournait le jeune Président de la République, il a tenté de faire perdurer l’illusion. Avec des accents de prophète inspiré, dont le voile s’est brusquement déchiré lorsqu’une vague jaune a commencé à submerger les digues du ras-le-bol.
Pourtant Emmanuel Macron avait tout prévu. Y compris qu’ « il y aura sans doute des choses que nous n’avons pas prévues », disait-il en clôture des vœux à la nation, le 31 décembre 2017. Avec une lucidité que nous ne saurions moquer, Emmanuel Macron évoquait « une exigence humaniste » sans laquelle, disait-il, « notre pays ne tiendra pas uni. » En mystique éclairé, le saint Patron de la République française prédisait sans sourciller : « l’année 2018 sera à mes yeux celle de la cohésion de la Nation. » Mais un an plus tard, alors même qu’il affirmait « respecter et écouter toujours ceux qui ne partagent pas la politique qui est conduite par le gouvernement aujourd’hui », on voit bien que pour maintenir ladite cohésion, le Chef des Armées n’a plus guère d’autre solution que de déployer sans relâche un important dispositif militaro-policier. Certes, nul n’est prophète en son pays, et un Président tellement coupé du « peuple » qui l’a élu est un bien piètre prophète de son pays.
Il faut dire qu’Emmanuel Macron y aura mis du sien, pour ruiner cette « exigence humaniste » qu’il fixait comme ligne de conduite. Reprenons les diverses promesses qu’il égrenait lors de ses vœux du 31 décembre 2017 :
« L'année qui s'ouvre en effet est celle de nombreux défis et nous construisons là une bonne part de notre avenir. Pour nos territoires ruraux où nous devons construire l'accès à la téléphonie mobile et au numérique, aux transports et permettre plus d'innovations économiques et sociales, pour nos quartiers populaires, en permettant la mobilité économique et sociale et en luttant contre les discriminations ; pour nos agriculteurs en leur permettant de vivre dignement du prix payé ; pour nos Outre-mer qui ont beaucoup souffert ces derniers mois et auxquels je veux adresser un salut tout particulier ; en adaptant nos règles et en construisant des filières économiques fortes qui permettent davantage d'autonomie énergétique et de créations d'emplois ; pour l'égalité entre les hommes et les femmes qui nécessitera là aussi des changements de loi et un ressaisissement de toute notre société ; pour les indépendants et les entrepreneurs, avec des règles simplifiées ; un droit à l'erreur enfin réalisé ; pour les salariés, en permettant la formation tout au long de la vie et des sécurités nouvelles ; et pour nos fonctionnaires en clarifiant leurs missions et nos attentes et en récompensant leurs efforts. »
Dans sa liste de vœux, le Présent ajoutait en outre vouloir apporter un toit à toutes celles et ceux qui sont aujourd’hui sans abri », et encore, cerise sur le gâteau, une attention toute particulière portée aux migrants : « Nous devons accueillir les femmes et les hommes qui fuient leur pays parce qu'ils y sont menacés en raison de leur origine, de leur religion, de leurs convictions politiques. C'est ce qu'on appelle le droit d'asile. C'est un devoir moral, politique et je ne cèderai rien. »
Toute entreprise publique est aujourd’hui soumise à un « contrat de performance ». L’entreprise France, dont Emmanuel Macron est aujourd’hui le manager en chef, ne devrait pas échapper à une telle évaluation. Or, au regard des objectifs fixés pour l’entreprise nationale le 31 décembre 2017, on voit bien que c’est fiasco à tous les étages, et que les actionnaires de ladite entreprise (le peuple souverain) n’ont d’autre choix, pour éviter le total dépôt de bilan, de renvoyer à ses études le premier responsable de cette faillite. Problème, les tribunaux de commerce ne sont pas compétents pour juger pareil cas. Raison pour laquelle s’est constitué, sous uniforme rassembleur du gilet jaune, un vaste tribunal populaire qui s’est donné pour mission de trancher la question, à défaut de trancher la tête du monarque, comme s’y employa la Révolution française en 1793.
Et voilà qu’en pleine audience déboule un acteur plus ou moins inattendu. Alexandre Benalla, dont les agissements lors des rassemblements du 1er mai, avaient déjà tendu au macronisme ambiant un miroir peu reluisant, vient soudainement, par entretien accordé à Mediapart, bousculer un jeu de quilles déjà passablement ébranlé. Dans la chapelle ardente érigée par Emmanuel Macron pour célébrer le culte de son Moi-Je, et où les ouailles ne vont plus guère prier, le coup de grâce est porté par un Judas des temps modernes : Alexandre Benalla a d’ailleurs peu ou prou le même âge que Judas l’Iscariote. Emmanuel Macron n’a donc retenu aucune leçon de sa lecture de la Bible. Ecoutons-donc Maria Valtorta, cette mystique catholique membre du Tiers-Ordre des Servites de Marie (1897-1961), autrice d’un stupéfiant Évangile tel qu'il m'a été révélé, qui évoque des scènes de la vie du Christ qu'elle dit avoir reçues par visions. Dans cette œuvre de fiction hallucinée, Jésus dit notamment à Judas : « Tu possèdes l'intelligence, la hardiesse, l'instruction, la promptitude, la prestance. Tu as tant et tant d'atouts. Mais tout cela est sauvagement disposé en toi et tu laisses tout en cet état. » Il le garda pourtant parmi ses apôtres, bien que prévenu par la propre mère de Judas : « Crains mon fils, il est avide, il a le cœur dur, c’est un vicieux, un orgueilleux, un instable », et mis en garde par la Vierge Marie (auprès de laquelle Brigitte Macron fait tout de même piètre figure) : « Celui-là ne me plaît pas, Fils. Son œil n'est pas limpide, et son cœur encore moins. Il me fait peur. Dans le cas où tu le décevrais, il n'hésiterait pas à prendre ta place ou à chercher à le faire. Il est ambitieux, avide et vicieux. Il est fait pour être le courtisan d'un roi de la terre plutôt que ton apôtre, mon Fils. »
Fin de la fable. Voici quelques jours, nous conseillions à Emmanuel Macron d’aller prendre une quinzaine de jours de repos en cure thermale au Touquet ou aux îles Galapagos. Mais même là, certains Gilets jaunes pourraient bien être tentés d’aller le chercher… Pour lui éviter d’être publiquement cloué au pilori, on ne voit guère qu’une seule issue s’offrant à Emmanuel Macron. Muni d’un passeport diplomatique, il devrait pouvoir trouver refuge au Vatican, où place lui sera gardée dans la galerie des anges déchus.