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Cher.es concitoyennes et concitoyens, de l’ici et des ailleurs.
L’année 2018 a été rude, mais elle se termine en fuego d’artifice, aux ronds-points de toutes les espérances, les nôtres et celles des autres.
Quasiment, cette année 2018 est cuite.
Vient 2019 qui sera, nous en avons tous le vouloir et le pouvoir, neuf comme c’est pas possible. Enfin si, c’est possible. Théodore Monod : « L’utopie ne signifie pas l’irréalisable, mais l’irréalisé. L’utopie d’hier peut devenir laréalité d’aujourd’hui. »
« Là où j’allume un feu sera ma demeure », dit un proverbe kazak. Il n’est pas innocent, mais pas davantage coupable, que ce dis-cours des choses soit prononcé à proximité d’un brasero, de surcroit tzigane, donc hospitalier, celui du Cirque Romanès, et je tiens à remercier ici Delia et Alexandre, aubergistes d’un soir du Cours des choses. Cela ne pouvait mieux tomber, à prendre au pied de la lettre ces mots d’Alexandre Romanés qui écrivait, dans un « Peuple de promeneurs » [montrer le livre] , « On devrait avoir deux vies : une pour apprendre, l'autre pour vivre. » Apprendre, et surtout vivre : voilà deux termes sans fin prévisible, étrangers au vocabulaire de la caste des puissants et des fameux qui nous affament, et qui envoient promener le peuple. Alexandre Romanès disait encore : « Le pouvoir politique ne tient qu'à un fil, mais un fil solidement tenu par des hommes et des femmes prêts à tout. »
Ce campement est installé à Paris, à proximité de la porte de la Défense. Mais quelle défense ? Non pas cette défense aujourd’hui bunkérisée dans son palais, qui n’opère plus que par outrancier maintien de l’ordre pour sauver le mobilier d’un pouvoir-plus-pour-très longtemps. Mais l’essentielle défense de nos rêves, aspirations, utopies, en un mot de ce désir, dont Raoul Vaneighem disait qu’il est sans fin (montrer le livre) :
« Nos désirs n’auraient pas de fin si nous ne nous mettions tant de soin à leur en assigner. L’ignorance dont nous les entourons abrite le plus souvent la vocation de nous abîmer en regrets. C’est ainsi que la mort vient avant l’heure.
À mieux connaître nos obligations que nos privilèges, nous souscrivons plus volontiers aux lois qui nous dégradent qu’à la revendication de plaisirs qui nous confortent à vivre. Piètre civilisation qui voit dans la mort ce qui épuise la vie et non ce que la vie épuise. »
Adoncques, l’an neuf ne sera véritablement neuf qu’à la condition expresse que nous puisions dans nos forces vives, sans les épuiser, les courants d’intensité qui sauront trans-former le monde (plutôt que le réformer) et le réinventer à neuf, et que nous sachions nous souvenir de l’avenir. Pour trans-former le vieux monde qui n’en finit pas de vieillir, gardons-nous des chimères et n’attendons ainsi aucun miracle sauveteur de la prochaine élection pestilentielle. Élisons dès maintenant, sur le champ des batailles passées, la république de nos libertés, de nos égalités, de nos fraternités et aussi de nos hospitalités. Au pluriel, c‘est mieux. Écrivons à maintes voix, mettons en œuvre par tous les chemins buissonniers qui s’offrent à nous, loin des autoroutes à péage qui nous mènent droit dans le mur, la constitution de ce qui nous constitue en tant qu’êtres vivants et désirants. À la force, toutefois, d’un Nous sans majuscule, débarrassé des illusions désenchantées du passé (de cela, oui, faisons table rase), étant entendu avec Bernard Noël, qui écrit dans « La Comédie intime » : « Nous sommes naturellement un et volontairement multiple, mais la difficulté est ensuite de faire que ce multiple soit un. » Ce chantier à venir, qui a déjà commencé, même si ses diverses origines se sont parfois enfouies dans les limbes de l’histoire ; ce chantier collectivement singulier et singulièrement collectif, simultanément poétique et politique, est au-devant de nous, au-devant de chacune et chacun d’entre nous.
Au fil du cours des choses, sans craindre l’imprévisible inattendu, nous pouvons nous y employer dès demain, car aujourd’hui il se fait tard, nous devons encore faire la fête à ce basculement, et la nuit qui suit pourrait livrer à bon port ses conseils étoilants.
Lorsque nous nous réveillerons, rien ne devrait plus être tout à fait comme avant.
En chemin (en chemin et pas « en marche »), el camino se hace caminando, nous devrions aller presque au bout de ce qui nous porte, fondamentalement joyeux plutôt que sempiternellement attristés, imprégnés de cette joie artérielle et neuronale que scandait Pasolini : « Ab Joy ».
En souhaitant que l’année à venir tienne vos promesses, j’aimerais conclure comme il se doit :
Vive l’humanité, vive l’errance, à bas les rances, et vive l’attrait public de nos êtres aujourd’hui en sous-France.
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