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Billet de blog 5 mai 2022

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L'Assemblée nationale, l’Elysée ? Mauvais théâtre, piètre cinéma !

Le 7 mai 1968, la manif massive de 50 000 jeunes a passe devant l'Assemblée Nationale sans un regard ni un cri. Magnifique leçon. Elle l'ignore sachant bien que c'est l'appareil d'Etat qu'il faut démanteler. Les élus et politiciens ne sont que des pantins vendeurs d'illusions chargés par le capital de détourner les luttes

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Extrait du n°44 de ma série "1968" qui comprend 113 articles. 

L’UNEF appelle ce 7 mai 68 à une manifestation sur trois mots d’ordre : « Retrait des forces de police du Quartier Latin, libération des camarades, réouverture des facultés ». Parti de Denfert-Rochereau, un « groupuscule » d’environ 50 000 étudiants passent en cortège dans la zone sud de Paris, évitant le Quartier Latin occupé par les cafards. Le cortège remonte les Champs-Elysées jusqu’à l’Arc de Triomphe, avec sit-in puis Internationale devant la tombe du soldat inconnu. Les CAL ont rejoint la manif. Sur le chemin du retour, l’UNEF ordonne la dissolution de la manifestation, mais des manifestants affrontent à nouveau la police jusqu’au lendemain matin.

La manif passe devant la Chambre des députés avant de prendre le pont de la Concorde pour remonter les Champs. Signe d'un temps de lucidité politique: elle ne prend même pas le temps de s’y arrêter. Dans son livre témoignage, Jacques Baynac, raconte: « Le cortège longe l’Assemblée nationale. Quelqu’un dit : “Prenons-la”. Un autre réplique : “Laissons ces connards à leurs discussions.” La foule passe, indifférente, tandis que fuse l’un des plus célèbres slogans de Mai : “Le pouvoir est dans la rue.” 

Dans son article  du Monde du 9 mai, Raymond Barrillon ne manque pas de le souligner: « Des milliers et des milliers d’étudiants ont parcouru mardi des kilomètres et des kilomètres à travers Paris. Leur longue marche les a conduits à passer devant l’Assemblée nationale, mais l’idée ne leur est pas venue un instant d’y faire halte. C’est un signe des temps mais c’est aussi et surtout une démonstration d’indifférence, pour ne pas dire plus. » 

Disons un peu plus, justement…Dans tous les grands mouvements populaires, les politiciens, députés ou non, sont démasqués. Dans la lumière de la mobilisation populaire, ils sont nus, ils ne sont plus rien que le leurre qui tente en permanence de détourner les énergies vers les urnes, grassement payés pour cacher la nature de l’Etat. Jamais, nulle part, les élections n’ont permis de se débarrasser de cette domination, ni même les principaux conquis. Par contre, la grève qui bloquer la machine à sous de la bourgeoisie permet de sérieux conquis, parfois jusqu’à se débarrasser de cette machine infernale. Le mouvement de Mai et Juin permettra ces conquis, sans toutefois briser la machine.

Adrien Dansette, dans sa synthèse de Mai-Juin, ne rate pas non plus ce fait plein d’enseignement:« Il est remarquable que la police n’ait pas vu d’inconvénient à ce que le cortège passât près du Palais-Bourbon  et que les étudiants n’aient même pas tourné la tête vers le bâtiment officiel, comme si les délibérations qui s’y déroulent étaient dénuées de toute importance (sous une autre République, le 6 février 1934, la Chambre des Députés avait été l’enjeu de la bataille). Un étudiant à qui on demandera quelques jours plus tard pourquoi ses camarades négligent le Palais-Bourbon et l’Élysée répondra : “Je l’explique par le fait que le Palais-Bourbon ne représente rien pour nous. Pour nous, c’est du théâtre, c’est du cinéma ; ce n’est pas de l’histoire ; ce n’est pas non plus quelque chose de représentatif. Et quant à l’Élysée, n’en parlons pas ; pour nous, c’est un monument du temps passé ; c’est un musée.” » 

C’est ce qu’indique aussi un acteur de premier plan, Alain Krivine, un des dirigeants de la JCR« Combien de fois des cortèges de manifestants passèrent-ils devant l’Assemblée nationale, gardée par quelques gendarmes, sans que jamais personne n’émette la suggestion de l’occuper. »

En complément tous les jours la rubrique Politique de la Revue de Presse Emancipation!

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