
« Nous craignons le pire, en pleine campagne électorale » confie un conseiller de Vidal. Il est ces jours-ci en effet beaucoup question de Nanterre au Ministère, et on imagine donc plus haut dans le ciel…
La raison en est simple: depuis près de trois mois, des jeunes sans facs occupent avec l’appui très actif de l’UNEF et d’un nombre croissant de soutiens une partie du bâtiment administratif de Paris-Nanterre. Ils demandent que 21 d’entre eux soient inscrits à Nanterre, en licence pour les bacheliers et en master pour ceux qui ont déjà passé leur licence à Nanterre.
Le président de l’Université Paris-Nanterre, M.Gervais-Lambony, avait bien avant Noel l’appui, sinon même la « recommandation » du ministère pour refuser leur inscription. Il fallait, comme l’a écrit la responsable de la principale UFR (Droit et Sciences Politiques) infliger un défaite à l’UNEF, sous entendu même criminaliser au besoin les syndicalistes élus, pour préparer la mise en place d’un Parcoursup à l’entrée au master. Même au prix
de coupures du chauffage et électricité, de fenêtres vissées, de propos misogynes et homophobes, et de violences des vigiles ici, ou ici, ou encore ici , de représentantes et élues syndicales suivies jusqu’à dans leurs partiels, de menaces à peine voilées, d’ entraves à la liberté de circulation des syndicalistes étudiants , d’entrave à la liberté d’expression jusque dans l’enceinte de l'université et jusque dans les amphis…
Mais le Ministère estime que la situation a changé. C’est vrai sur trois points essentiels:
- face à l’agitation à Nanterre et bien au delà, le projet de sélection renforcée à l’entrée au master a été abandonné. Comme pour la réforme des retraites, ce n’est pas le moment en pleine campagne électorale. Les mauvais coup se portent après, pas avant les élections.
- le mouvement des sans-facs à Nanterre ne cesse de recevoir de nouveaux soutiens dans le département, la région, et nationalement, syndicaux, politiques et associatifs. Et ce mouvement très populaire, profitant des déclarations de Macron contre la gratuité de l’enseignement, prépare pour jeudi, avec des soutiens de poids, un meeting comme Nanterre n’en a pas connu depuis très longtemps, sur le thème « De la lutte des sans facs à la grève nationale ».
- pire, la grève nationale, après le coup de semonce de la grève massive de la semaine passée, c’est ce que redoutent le plus Vidal, Blanquer, et Jupiter.
En effet, quiconque a étudié l’histoire contemporaine de la France, sait que Nanterre n’a été qu’une étincelle dans la poudrière qu’était devenue la France en 1968. Tout ouvrage d’historien sérieux rend compte d’un contexte politique, économique et social qui faisait de la France une poudrière au début de 1968. Il suffit de lire le dernier paru, de grande valeur, publié par Ludivine Bantigny (« 1968: de grand soirs en petits matin ») ou de lire les premiers billets de ma série « 1968 » disponible en ligne.
Or la mobilisation des enseignants et parents d’élèves se situe dans un contexte de luttes politiques et sociales explosif. Le tableau le plus fidèle et complet de ce contexte se trouve dans cette longue analyse que vient de publier Jacques Chastaing: « La grève des enseignants ouvre une nouvelle étape dans la crise du régime ».
Dans ces conditions, on s’explique mal au Ministère l’entêtement de Gervais-Lambony à ne pas mettre un terme à la mobilisation des sans facs appuyés par l’UNEF. Inscrire 21 étudiants, c’est une paille pour une université de 32 000 étudiants, alors même qu’un nombre dix fois supérieur d’inscrits ont déjà décroché, comme tous les ans à cette date. On souhaiterait au Ministère que M. Gervais-Lambony et la petite cour corporatiste qui le soutient encore ne soient pas l’allumette irresponsable qui mettrait le feu et un terme à la campagne électorale de Jupiter, avant même qu’elle ne commence vraiment. Sans parler d’une grève générale qui pourrait mettre un terme au monde de Jupiter…
En complément tous les jours la rubrique Jeunesse/Education de la Revue de Presse Emancipation!
