Une de ces histoires se passe au ciel (ça simplifie beaucoup la vie du riche quand le pauvre croit au ciel). Un joli conte de Noël inventé par les riches à l’usage des pauvres ( ndlr: Marx a dit ça d’une autre manière).
Une fois montés au ciel, les pauvres seront récompensés et les premiers (de cordée) seront les derniers. Non! Non! ne dites pas bien fait pour eux! Soyez charitables, réfléchissez, les pauvres n’auront été pauvres qu’une vie tandis qu’eux, pauvres riches, ils seront obligés de se taper les restos du coeur pour l’éternité. Et ça, c’est pas juste!
Hélas pour les riches, tous les pauvres ne croient pas au ciel …Il leur faut donc trouver une autre histoire, plus terre à terre.
Une histoire de bon sens, ce bon sens, cette évidence qui a fait dire pendant des siècles que la terre était plate et que le soleil tournait autour de la terre…
Quelques riches, beaucoup de pauvres, ça a toujours été, c’est comme ça! C’est l’Histoire, c’est la Vie, il n’y a rien faire, il faut l’accepter. L’inégalité est dans la nature, sans pauvres, pas de riches et pas de richesse. Et oui, si les pauvres n’existaient pas, il faudrait les inventer! Le pauvre, lorsqu’il sait rester pauvre, un bon pauvre donc, participe efficacement à la richesse du pays… Cette inégalité, on n’a pas le choix, c’est le moteur de la société, le carburant de l’économie, on doit l’accepter. C’est la seule solution. Il n’y a pas d’alternative!
(ndlr: Il est compréhensible que ceux qui tirent profit d’une situation affirment qu’il n’y pas d’autre situation possible. Pourquoi voudraient-ils changer un système dont ils sont les gagnants? Les riches ont les moyens de faire passer cette absence d’alternative pour une vérité scientifique. Ils ont leurs journaux, leurs radios, leurs télés, leurs grandes écoles, leurs économistes, leurs ministres, leurs députés. Ils ont tout car ils sont riches. Les pauvres, eux, n’ont rien car ils sont pauvres. Ils ne peuvent qu’écouter parler les riches.
Hélas pour les riches, tous les pauvres ne sont pas raisonnables…
Certains se plaignent encore: les petits boulots, les emplois précaires, les salaires de misère, les loyers exorbitants, le prix de l’essence… Pour les calmer, les riches cette fois vont faire appel à leur bon coeur (car les pauvres ont du coeur), leur conter une nouvelle histoire, une belle histoire d’amour… Les réformes faites pour réduire la dette, pour mettre les comptes en équilibre, pour assurer la pérennité du système, en vrai, ils le jurent, c’est pour assurer l’avenir des enfants et des petits enfants des pauvres. (Pleurs assurés dans les chaumières!)
On vous demande de vous serrer la ceinture aujourd’hui, de ne pas nourrir correctement vos gamins aujourd’hui, mais c’est pour que vos gamins puissent correctement nourrir les leurs demain…
Argument habile qui convoque l’amour filial et la solidarité des générations (pleurs assurés dans les chaumières), mais surtout argument inépuisable, inaltérable… On peut imaginer en effet que les enfants et petits enfants des familles du CAC 40, des familles Pinault, Arnaud, Lagardère etc pourront le resservir tel quel aux enfants et petits enfants des pauvres demain, après-demain et ainsi de suite, de génération en génération et pour les siècles des siècles… Amen.
Hélas pour les pauvres, un serrage de ceinture programmé et reconductible ad vitam eternam. Et pour les riches, l’assurance de ne jamais devoir partager leur gamelle… Que du bonheur!!