Cela fait pas mal d'années que quelques-uns se battent pour tenter de sortir du nucléaire. Parce que c'est dangereux, parce que les déchets, et aussi à cause d'une société nucléarisée, qui ne peut pas être une société libre, entre autres.
Cela fait quelques années que d'autres sont venus les rejoindre, avec des arguments qui, s'ils ne sont pas tout neufs n'avaient peut-être pas assez été mis en avant : le poids économique insupportable du nucléaire, l'irrésolvable problème des déchets, l'impossible réparation après les catastrophes (Tchernobyl, Fukushima…), l'importance de l'Uranium dans la politique étrangère de la France, sans oublier la "vraie politique": la stratégie énergétique de notre pays, quasi inchangée depuis 1973 avec le plan Messmer, dans un monde en évolution…
Et aujourd'hui, ces "vieux" comme ces "jeunes" peuvent s'interroger sur la volonté de nos candidats à l'élection présidentielle à changer quelque chose à notre France Nucléaire.
Alors, sans vouloir le moins du monde (ou si peu) tenter d'influencer qui que ce soit, je m'autorise à apporter mon humble grain de sel à ce débat…
François Fillon : Pas la peine de tirer sur une ambulance, disons simplement que de ce côté, l'ex-premier ministre de Sarkozy est pour la continuation (tout électrique-tout nucléaire) sans même s'embarrasser d'argumentation. On continue, et on continue avec Fessenheim. Là au moins, c'est clair.
Emmanuel Macron : c'est certainement plus ambigü : ce qui est certain, c'est qu'il découvre le dossier nucléaire français en même temps qu'il tente d'y répondre. Alors, histoire peut-être de cacher son ignorance, il invoque la continuité de la loi TECV : du Hollande, rien que du Hollande : fermeture de Fessenheim (donc vers 2019-2020), et passage à 50% de la production nucléaire en 2025. Ce qui veut dire qu'il lui restera 5 ans après Fessenheim pour fermer 8 a 10 réacteurs (au minimum). Et lorsque l'on mesure que le futur ex-président aura mis 8 ans (au mieux) pour fermer Fessenheim (faites le compte : de 2012 – promesse – à 2020 – peut être), on mesure le chemin qu'il restera à parcourir à celui qui s'est mis en marche. Certainement pas pour la fin du nucléaire…
Marine Le Pen : Il faut lui reconnaître une certaine compétence pour l'énergie éolienne : une bonne girouette, bien de chez nous : en 2012, l'énergie nucléaire était " énormément dangereuse" et en sortir était "un objectif". Il faut dire que 2012, c'est un an après Fukushima. En 2017, le vent de l'extrême –droite a changé, la girouette aussi, et sortir de l'énergie nucléaire revient à se "tirer une balle dans le pied". Rien donc à attendre de ce côté, puisqu'elle est capable de dire tout et son contraire. Mais on s'en doutait un peu…
Benoît Hamon: là, c'est plus drôle. On se demande qui sont ses conseillers, ou du moins son conseiller énergie. Avec Hollande, on savait. C'était Jancovici, chantre de l'énergie décarbonée, et apôtre résolu du nucléaire. Mais le petit Hamon doit se sentir bien seul, pour sortir des énormités comme il le fait benoîtement : A l'en croire (merci Yannick) il faut fermer Fessenheim (mais on ne sait pas quand), suivre la loi TECV (50% en 2025), et poursuivre l'extinction du nucléaire pour 2050. Très bien. Mais dans le même temps, on continue l'EPR. Avec un démarrage prévu pour 2020 et une durée de vie prévue de 60 ans (?), nous arriverions donc à 2080 pour la "vraie" fin du nucléaire français. Il n'y aurait pas comme une contradiction quelque part ? A moins que Benoît n'envisage de prendre un décret en 2025 stipulant la fin "inéluctable et irréversible" de l'EPR pour 2080 ? Après tout, c'est ce que Hollande vient de faire pour Fessenheim, en confondant l'annonce et la réalité…
Les "petits" candidats : A part Philippe Poutou, qui lui est depuis longtemps un antinucléaire convaincu (mais surtout parce qu'il est anticapitaliste, ce qui est une bonne raison de plus), les autres "petits" candidats ne sont pas tellement intéressés par le dossier nucléaire…
Reste bien sûr Jean-Luc Mélenchon. Alors là, c'est plus clair. Bien sûr, il annonce l'arrêt de Fessenheim – pour les risques, mais surtout pour manifester que la politique énergétique du pays est en train de changer - , l'arrêt de l'EPR et du chantier de CIGEO à Bure (tiens, il est le seul à parler de Bure…), l'arrêt définitif des réacteurs après 40 ans – ce qui nous permet de viser 100 % de renouvelable pour l'électricité à l'horizon 2050), la référence au plan Négawatt, mais en plus, il entend s'en donner les moyens : en remettant les grandes structures énérgétiques du pays (EDF, Engie) aux mains de l'Etat.
Parce que c'est par là qu'il faudra commencer: Même si aujourd'hui l'Etat possède 85% de EDF et 33% de Engie, il n'a plus la maîtrise dans les décisions concernant la stratégie énergétique. Que peut une loi sur la transition énergétique, même timide, face aux intérêts bien compris de ces sociétés anonymes ?
Bon, allez, je vais vous faire une confidence : je crois bien que je vais voter pour Mélenchon. Et ce n'est pas parce que j'ai un peu trempé dans son programme énergétique. Mais parce que j'y crois.