Les bombes thermonucléaires reposent sur le principe de la fusion nucléaire entre deux éléments légers, en général du Deutérium et du Tritium radioactif. Si le Deutérium existe dans la nature (sous forme d'eau lourde extraite de l'eau de mer), le Tritium est extrêmement rare, et est un résidu de la production d'électricité d'origine nucléaire. Radioactif, la moitié du stock de Tritium disparait en une douzaine d'années, ce qui implique périodiquement son remplacement dans les bombes H.
Le Tritium était produit dans deux réacteurs du CEA (Célestin 1 et 2) arrêtés en 2009. A terme, les bombes françaises deviendraient inutilisables… A moins que le CEA ne reconstruise de nouvelles structures de production...
Il existe une autre méthode pour obtenir du Tritium : utiliser du Lithium en le bombardant avec des neutrons. De tels neutrons son abondamment produits dans les réacteurs nucléaires, quant au Lithium, les projets se mettent place (géothermal en Alsace, mines en Allier) pour faire de notre pays un producteur. Autrement dit, notre pays pourrait être capable dans un avenir proche de produire in situ le Tritium qui va faire défaut à notre arsenal nucléaire.
Il n'en fallait pas plus pour que le gouvernement décide de militariser la centrale de Civaux, 2 réacteurs de 1450 MW représentant 6% de la puissance installée en France pour suppléer à la carence du CEA, en déguisant ce dévoiement derrière une "installation d'irradiation". Autant d'économies pour le CEA, qui évite de nouvelles constructions.
Mais il est faux de dire que cette militarisation n'aura aucun effet sur la production de Civaux, puisqu'il faudra installer du Lithium dans le réacteur, et extraire périodiquement le Tritium, avant de l'envoyer au CEA. L'impact sera plus important encore pour les employés et sous-traitants de la centrale de Civaux, à qui on ne demandera pas s'ils sont pour ou contre participer à la confection d'engins de mort au lieu de produire de l'énergie –même nucléaire - pour leurs concitoyens, et qui risquent bien de passer sous un régime de "confidentiel défense"…
Et on comprend mieux la rage actuelle à démanteler l'IRSN pour le faire fusionner avec l'ASN sous la coupe du CEA, dont la mission est avant tout militaire. A un moment où la paix est plus indispensable que jamais, le gouvernement n'a pas à utiliser à sa guise les ressources industrielles et humaines dévolues au service des citoyens pour sa politique mortifère.
Hors de toute préoccupation éthique ou morale, le gouvernement continue d'asséner cette petite musique d'économie de guerre. A quand un débat démocratique sur ce sujet ?