
S'il y a bien une chose que la crise sanitaire n'a pas empêchée, ce sont les discrets coups bas qu'EDF continue de nous imposer, avec la complicité du gouvernement et de l'Autorité de Sûreté Nucléaire :
Il y a 2 semaines, l'ASN (Autorité de Sûreté Nucléaire) lançait une "consultation" à propos de la nécessité pour EDF de mettre en œuvre, avant le 31 décembre, les mesures nécessaires pour empêcher dans le futur le "dénoyage" (la mise à l'air) des barres de combustibles irradiés entreposés sous eau – dans des piscines qui ne sont protégées contre aucune agression naturelle ou humaine – et de "renforcer" le groupe électrogène permettant aux pompes de maintenir le niveau d'eau. Et ceci jusqu'à l'évacuation des combustibles irradiés vers la Hague, fin 2023 au plus tard (?)
Nous noterons que depuis 2016 et les "consultations" faites par l'ASN, jamais les observations faites n'ont fait changer un seul mot aux décisions de cette autorité.
L'absurde de cette décision est éclairante : les piscines en question sont utilisées quasiment sans interruption depuis le démarrage (il faut renouveler le combustible…) sans précautions spéciales contre les agressions de toutes sortes. Et depuis la fin février 2020, quelques 70 tonnes de combustibles irradiés sont ainsi entreposés dans la piscine du réacteur n°1. Et c'est après si longtemps de silence face aux questions des scientifiques et des associations que l'ASN semble découvrir qu'il faut garantir le niveau d'eau des piscines pour les 3 ans à venir ?
Juste avant la décision de confinement, très discrètement, le ministère de l'écologie et la même Autorité de Sûreté Nucléaire publiaient leurs conclusions sur le débat public concernant le Plan National de Gestion des Matières et Déchets Radioactifs (PNGMDR). Et on y apprend la volonté de construire le fameux "technocentre" où une partie des 1800 tonnes de ferrailles radioactives des générateurs de vapeur de la centrale seront recyclées et "libérées" dans l'industrie sans plus aucun contrôle ni traçabilité ultérieure - Avec la plus belle hyprocrisie, Fessenheim n'étant pas citée, alors que c'est le seul projet de ce type existant aujourd’hui… -. Un tel centre est actuellement interdit par la loi française, qui stipule que tout matériel ou élément issus d'une structure nucléaire et potentiellement radioactif doit être considéré comme déchet nucléaire et traité comme tel.
La loi ne permet donc pas un tel technocentre ? Qu'à cela ne tienne. Sans changer la loi, le ministère prévoit de procéder par dérogations données à EDF. Et donc sans aucun débat possible. EDF bénéficierait aussi d'une telle dérogation pour "exporter" en Suède les 6 anciens générateurs de vapeur de Fessenheim (entreposés sur le site depuis une vingtaine d'années) pour tester les procédures, ce qui est aujourd'hui impossible, la loi interdisant l'exportation de tels déchets nucléaires. Et pourtant, à Strasbourg, lors du débat sur le PNGMDR, l'ASN reconnaissait qu'un tel technocentre coûterait plus cher que le stockage de ces déchets dans les centres existants.
Une consultation tronquée sur une question qui se pose depuis plus de trente ans ? De discrètes dérogations à la loi pour éviter tout débat ? L'hypocrisie d'un lobby nucléaire à bout de souffle n'a décidemment pas de bornes. Après 50 ans de luttes (le CSFR fêtera cet été ses 50 ans d'existence), après 9 ans de promesses de fermeture, à l'aube de l'arrêt définitif de Fessenheim, nous n'en avons pas fini avec le cauchemar nucléaire qui nous a été imposé.