Que reste-t-il à espérer de l'élection d'avril ? La primaire populaire, à laquelle j'ai cru et participé, accouche d'une souris. La dispersion des voix de gauche reste catastrophique et le cumul de ces voix tous sondages confondus est à peine au niveau du seul E.Macron. Une seconde débâcle aux législatives est à prévoir, et donnera lieu à une Assemblée Nationale bleu-marron. Que reste-t-il à espérer de l'engagement politique et citoyen ?
A la suite de J.-L.Mélenchon et du PCF, les Verts et le PS se sont engagés dès 2021 dans un chacun pour soi qu'on peut difficilement ne pas qualifier de suicidaire et de boutiquier. On ne sait pas ce qu'ils en espèrent eux-mêmes...
Qui croit à une autre voie qu'électorale pour rétablir la démocratie en France et en Europe ? Les résidus des partis du "Grand Soir", et les tentatives d'insurrection "intersectionnelles", ne sont pas de nature à faire trembler les super-milliardaires et leurs factions. Seule la droite xénophobe et populiste tire profit de ce marécage, semant le trouble et la division, conquérant des positions de grave nuisance.
Pour sortir de cette situation unique en Europe occidentale par son ampleur, il fallait (il reste falloir) s'attaquer à la racine du mal institutionnel, qui est constitutionnelle : le régime présidentiel de 1958 aggravé par la réforme Jospin, lui aussi unique en Europe occidentale, et pire que celui des Etats-Unis, en raison de l'absence, de longue date, de bipartisme. Certes toutes les démocraties européennes connaissent cette crise du bipartisme (l'affrontement classique gauche-droite, c'est-à-dire, excusez le raccourci, classes populaires/grand capital), mais nulle part un tel émiettement généralisé (qui aurait imaginé par exemple, il y a seulement six mois, qu'un Zemmour voire un Philippot pourraient venir contrarier le RN au point qu'il ne soit plus impossible d'imaginer un duel "bonnet blanc/blanc bonnet" au second tour ?). En bref, ce régime bonapartiste exacerbe les postures et ambitions personnelles et anéantit le débat politique en assurant de fait au président élu et à son premier ministre une majorité parlementaire docile, suiviste (cf les "godillots" de De Gaulle ou l'imperturbable majorité LREM sourde aux propres doutes de ses membres).
Si j'ai cru un moment à l'opportunité de la "Primaire Populaire", avant de découvrir ses défauts manifestes et l'hostilité des états-majors, c'était dans la perspective d'une candidature commune capable de gagner l'élection et d'amener à l'Elysée une personnalité décidée à ouvrir un processus de réforme constitutionnelle. Les multiples candidats de gauche se sont tous déclarés hostile au régime présidentiel et en faveur d'une "6ème République", restaurant la vie parlementaire et élargissant le pouvoir d'intervention directe des citoyens. Dans cette optique, il ne leur revenait pas de proposer un programme de gouvernement, mais seulement de grandes lignes (comme les 10 points de la "Primaire Populaire"), laissant à l'élection législative le soin de commencer à départager les points de divergence. Il était donc pour le moins stupide de prétendre à la nécessité de sa propre candidature à la présidentielle au nom de ces divergences. Stupide et, on le voit bien, suicidaire. En tout cas pour les électeurs des classes populaires.
Je continue de penser que la personne la mieux placée pour accomplir cet objectif était Christiane Taubira, non pas en raison de "son programme" (le moins consistant sans doute de tous si l'on va dans le détail des mesures), mais en raison de sa personnalité, de sa stature, de sa capacité à cliver au bon endroit tout en assurant l'unité à gauche. Aujourd'hui cet espoir est à terre et rien ne le remplacera d'ici avril. Un des deux chefs de la droite sera élu et il ne faut se faire aucune illusion sur un prétendu "effet correctif" des législatives, bien au contraire. C'est l'extrême-droite qui constituera l'opposition.
Idéalement, il est encore temps de corriger le tir. En réalité, nous n'aurons hélas qu'un motif de plus d'en vouloir à ces états-majors sourds et aveugles et de nous remettre au travail pour l'unité des classes populaires, dans les luttes mais aussi dans les urnes. Dans cet objectif il faudra bien que le cadastre des partis de la gauche connaisse un sérieux remembrement !