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Billet de blog 27 avril 2018

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"Quand on veut, on peut" est-il une formule "populiste" ?

A propos d'une intervention de M. Thomas Kirzbaum, sociologue à Paris-Nanterre, sur France Culture aujourd'hui 27 Avril, à propos du plan Borloo pour les banlieues et de sa tonalité "populiste". Le volontarisme en politique est-il une démonstration de démagogie ?

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Thomas Kirzbaum à la Grande Table

https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-2eme-partie/le-plan-borloo-va-t-il-peter-le-ghetto

Ce sociologue de Paris-Nanterre analyse le rapport Borloo. J.-L. Borloo fait partie, avec J.Toubon, de ces personnalités de droite qui secouent le cocotier de manière certes un peu confuse mais profondément appréciable. Je n’ai pas les moyens d’évaluer comme M. Kirzbaum le rapport Borloo dans son ensemble. J’ai la faiblesse de penser qu’il a été élaboré de manière plus ou moins collégiale et que la personnalité bouillante et sans doute narcissique de l’ancien ministre n’est pas seule en cause dans le ton et le fond du rapport qui portera son nom.

Ce qui me retient pour l’essentiel, c’est une phrase de son entretien à France Culture. Il y dit en substance que la formule : "Si on veut on peut " relève du populisme ». Intéressant. D’où ce chercheur public tire-t-il une telle assertion ? Depuis quand, à partir de quelles études, analyses, enquêtes, travaux définitoires, a-t-on pu assimiler le volontarisme politique et le "populisme" ? A titre "personnel", je rejette le populisme selon sa définition la plus exigeante, à savoir une variété de discours public démagogique fondé sur la flatterie à l’égard d’affects spontanés attribués à une partie des classes opprimées. Que Chantal Mouffe, Jean-Luc Mélenchon ou d’autres en défendent une définition plus « étymologique » (expression des intérêts de ces classes) m’intéresse modérément ici, puisque dans l’espace public il est indéniable que « populisme » est péjoratif au-delà et ce de manière très indépendante du mépris ou du respect du « peuple ». Il serait utile de mener ce débat à terme entre personnes de bonne foi, mais j’en reste ici à l’assimilation courante « populisme = démagogie ». M. Kirzbaum estime, je ne pense pas trahir son propos en le transposant, que la formule « quand on veut on peut » est démagogique, donc, on est obligé de le supposer, condamnable.

Il serait intéressant de transposer ce jugement à toutes les échelles où la formule est susceptible de s’appliquer ("individuelle" ou collective). Mais il est plus intéressant de chercher à comprendre ce qu’il signifie réellement, en matière de politique (« publique », si ce pléonasme est concédé à titre provisoire). A mes yeux, "si on veut on peut" signifie tout simplement que la « volonté » est génératrice de « puissance », à un degré ou à un autre, et certes jamais « à 100 % ». Qu’il ne suffise pas de vouloir pour pouvoir est un truisme de bas étage. Mais qu’à l’origine même de la puissance, il y ait la volonté, c’est quelque chose que l’on oublie trop souvent. On pourrait, si on acceptait d’édulcorer constamment le discours politique, adopter en échange la formule « Si on ne veut pas, on ne peut pas ». Ou « la puissance d’agir a une dimension proportionnelle à la volonté ».

En tout cas, et j’en resterai là pour aujourd’hui, il convient de réfléchir – et conclure, même à titre provisoire – sur la pertinence – ou l’inanité – de ces analyses à l’emporte-pièce dont relève le jugement de M.Kirzbaum. A quel point elles désarment la puissance publique et la capacité d’intervention des citoyens.  A quel point elles sont responsables de la démobilisation générale et de la confiscation du pouvoir par les « élites » (le pendant du « peuple » dans des conceptions finalement très symétriques et mortifères), c’est-à-dire l’annihilation du pouvoir au profit du laisser-faire…

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