Mais comment en est-on arrivé à un tel degré de perversion démocratique ?
Plus besoin de faire appel à l'Armée ( Bonaparte en 1799 ou son petit neveu en 1851 ) ou de profiter de circonstances exceptionnelles ( la défaite de 1940 ou la crise algérienne en 1958 ) pour conquérir le pouvoir politique par la force ou l'intimidation . Contrairement à Jacques Chirac en 2002 , élu de manière inattendue au deuxième tour avec plus de 82% des suffrages pour faire sincèrement barrage à Le Pen in extremis , le président sortant , Emmanuel Macron a peaufiné depuis cinq ans une stratégie machiavélique à l' efficacité redoutable , pour être reconduit à l'Elysée , avec , de surcroît , l'onction démocratique de ses opposants les plus farouches . Mais par quels tours de passe passe politiques incroyables , vraiment dignes d'un prestidigitateur de haut vol , a t-il atteint ses objectifs ?
1) D'abord , comme l'on sait , par l'infusion en douceur des idées fascistes dans la société française et en acclimatant progressivement l'opinion publique à des notions façonnées par l'extrême droite dès les années 70 ( La Nouvelle Droite ) : l'exemple le plus éloquent et médiatisé fut le concept d'islamo-gauchisme forgé par Pierre André Taguieff dans son essai de 2002 " la nouvelle judéophobie " puis rapidement instrumentalisé par le Front National avant d'être récupéré par le pouvoir macronien et porté aux nues par le ministre de l'Education nationale lui même , M. Blanquer . Cette stratégie de banalisation soft de l'idéologie fasciste s'accompagnant souvent de clins d'oeil subliminaux aux électeurs de Marine le Pen , comme l'hommage rendu en 2018 pour les commémorations de l'armistice , au Pétain vainqueur de Verdun par le président de la République en personne . L'apogée de ce racisme d'Etat inavoué , sous couvert de lutte contre l'immigration clandestine , fut la politique migratoire de ce gouvernement , habillant sous les oripeaux de la loi , une préférence nationale qui ne dit pas son nom en s'autorisant les pires abjections administratives et policières à l'encontre des migrants non européens . Qui a reproché lors d'un fameux débat sur cette question à Marine Le Pen d'être " trop molle " ? Zemmour , le fanatique du "grand remplacement "ou Darmanin ministre du gouvernement ? Où se situe réellement le fascisme le plus dangereux ? Le fascisme opportuniste difficile à débusquer derrière des apparences trompeuses ou le fascisme historique plus explicite ? Par cette entreprise de sape des valeurs humanistes , le Président , n'a pas joué avec le feu , comme on l'entend souvent , mais a délibérément promu les valeurs du Rassemblement National pour qu'il soit qualifié au second tour de la Présidentielle , seule chance pour lui d'être réélu . Ainsi , comme en 2017 , au soir du 10 Avril 2022 , le terrible piège électoral se refermait sur les électeurs républicains , n'ayant d'autre alternative que de voter pour lui , en pensant éviter le pire .
2) Ensuite , pour prévenir le danger d'un deuxième tour sans l'extrême droite , M.Macron s'est employé inlassablement pendant cinq ans à tout faire pour atomiser la droite Républicaine ( Les Républicains ) et pulvériser la Gauche modérée ( PS et EELV ) : ce qu'il a réussi avec une grande virtuosité , par le débauchage classique de certaines pointures de la droite , de la gauche et de l'écologie , mais surtout en brouillant les repères idéologiques pour mieux déboussoler leurs électorats respectifs . Attirer pour mieux siphonner les électeurs de la droite musclée par un programme ultralibéral , sécuritaire et répressif tant sur le plan économique que social mais ne pas effaroucher pour autant les sociaux démocrates teintés de vert , séduits par quelques miettes de progrès sociétaux , comme la PMA pour toutes les femmes en 2021 , l'allongement des délais d'avortement ou de vagues promesses en faveur de l'environnement . Ce gisement de voix républicaines modérées , lui a permis de franchir allégrement le premier tour en tête et de passer désormais pour l'ultime rempart contre le fascisme qu'il a lui même favorisé . En témoignent , les nombreux appels d'électeurs terrorisés par l'hypothèse d'une victoire de Marine Le Pen au second tour . Y compris dans l'intelligentsia de gauche , parmi les plus anti-macroniens des artistes , qui vont voter , la rage au coeur , mais qui glisseront leur bulletin Macron dans l'urne , même en se pinçant le nez ! Pour l'homme de pouvoir , c'est le résultat qui compte : notre doctrine est le fait , disait sans complexe ni scrupules un certain Mussolini .
3) Enfin , face au dernier ennemi qui l'aurait privé du duel tant attendu , la Gauche radicale , M. Macron n'a pas eu besoin de fourbir ses armes les plus secrètes pour l'estourbir , elle s'est fait carrément hara-kiri ! l'incapacité à dégager un front commun dès le premier tour par la Primaire populaire et la guerre pitoyable des égos qui l'a emporté sur la menace fasciste , en disent long aujourd'hui sur les réelles motivations de ses représentants : Messieurs Mélenchon , Roussel , Poutou et autres batteurs d'estrade , si la priorité , c'étaient vos idées , vous n'auriez jamais laissé Marine Le Pen , arbitrer notre avenir politique et nos choix souverains par un vote Macron !
En guise de conclusion , je voudrais féliciter Emmanuel Macron pour son grand art de la stratégie politique et même pour son culot insensé d'insinuer subrepticement l'idée , depuis quelques jours , qu'il pourrait même rempiler jusqu'en 2034 , gràce aux vertus d'un septennat qui est pour lui , " une bonne respiration " démocratique ! (dixit)
M.Poutine , vous pouvez aller vous rhabiller ! Vous avez enfin trouvé votre maître !