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Billet de blog 6 mars 2025

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Le sophisme, arme fatale de Foutriquet

L’internationalisation du conflit existe bien avant les troupes coréennes ou les drones iraniens. Elle s’appelle OTAN. Rappelons que le concept d’alliance est responsable de celui de guerre mondiale.

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Illustration 1

Onfray parle d’anti-dialectisme quand il analyse le tristement célèbre « en même temps » macrubuesque. Il convoque aussi Orwell, qui théorise l’art politique de faire prendre des vessies pour des lanternes. Art conjoint à une stratégie odieuse : celle de l’effacement des mots et de la langue. Le novlangue est constitué d’un lexique minimal et d’une syntaxe interdisant l’interrogation au profit de l’assertion. Dogme idéologique. Assertion éventuellement révélée, c’est ce que Boualem Sansal explore dans 2084. Ici, la langue n’est pas « nouvelle », mais celle du « délégué » de Dieu, qui je ne sais pourquoi se nomme Abi. D’où l’abilang. 
Mais revenons au Macrubulang.
On n’a pas fini de décortiquer la dernière allocution. Foutriquet aux abois, situation internationale très difficile, scène nationale au bord de la guerre civile, résultat : Foutriquet se surpasse, non seulement dans le déni, mais dans le sophisme. Car ce qui différencie (quand même !) le macrubulang du novlang ou de l’abilang, c’est l’apparence de dialectique qu’autorise le fameux « en même temps »… 
Les constats de Macron sont en général insupportables : par exemple, quand il nous parle de la souveraineté nationale. Le mec qu’a bradé Alstom aux Américains ! L’européiste ! L’héritier maastrichien ! Le fils de Mitterrand et Hollande ! Quand il parle d’antisémitisme, aussi. Lui qui ne va pas à la manif. À chaque fois qu’il déplore les malheurs du peuple, il se fout de sa gueule. Car c’est lui et ses amis qui depuis des années installent les conditions de l’incurie, de l’ineptie, de l’infamie.
Exemple dans son speech d’hier : « les Russes ont internationalisé le conflit, en s’alliant avec la Corée du Nord ou l’Iran. » Voici un sophisme de la plus belle eau ! Le conflit russo-ukrainien, affaire ukrainienne (persécution des russophones), affaire otanienne (missiles et bases américaines), est manipiulé par l’OTAN ! Boris Johnson et Joe Biden ont empêché la capitulation de Zelensky. 
L’internationalisation du conflit existe bien avant les troupes coréennes ou les drones iraniens. Elle s’appelle OTAN. Rappelons que le concept d’alliance est responsable de celui de guerre mondiale.

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Voici un extrait de 2084 qui illustre en particulier la nécessité pour un tyran de gratifier son peuple d’un Ennemi.


Ce n'est pas le sujet mais il faut en dire un mot pour l'Histoire: il se racontait beaucoup de choses sur les ghettos et leurs trafics. On aurait voulu tout embrouiller pour tout empêcher qu'on n'aurait pas fait autrement. Il se disait que derrière la Guilde se profilait l'ombre de l'Honorable Hoc de la Juste Fraternité, directeur du département du Protocole, des Cérémonies et des Commémorations, un personnage immense qui ordonnançait et rythmait la vie du pays, ainsi que de son fils Kil, connu comme le plus entreprenant des commerçants de l'Abistan. Dans certains milieux, on ne s'empêchait pas de penser que les ghettos étaient une invention de l'Appareil. La thèse était qu'un régime absolutiste ne pouvait exister et se maintenir que s'il contrôlait le pays jusque dans ses pensées les plus intimes, chose irréalisable car, malgré tout ce qu'il était possible d'inventer en matière de contrôle et de répression, un rêve réussirait un jour à prendre forme puis à s'évader, et alors on verrait naître une opposition, là où on ne l'attendait pas, renforcée dans le combat clandestin, et le peuple qui naturellement se porte à accorder sa sympathie à ceux qui combattent la tyrannie la soutiendrait dès lors que la victoire lui paraîtrait une hypothèse crédible. Le moyen pour le pouvoir de conserver son absolutisme était de prendre les devants et de créer lui-même cette opposition puis de la faire porter par de véritables opposants, qu'il créerait et formerait au besoin et qu'il occuperait ensuite à se garder de leurs propres opposants, des ultras, des dissidents, des lieutenants ambitieux, des héritiers présomptifs pressés d'en finir, qui de partout surgiraient comme par miracle. 
Quelques crimes anonymes par-ci par-là aideraient à entretenir la machine de guerre. Être son propre ennemi, c'est la garantie de gagner à tous les coups. La chose était certainement difficile à mettre en place mais une fois lancée elle tournerait d'elle-même, tous croiraient à ce qu'on leur donnerait à voir et personne n'échapperait à la suspicion ni à la terreur. Et de fait, beaucoup mourraient de coups qu'ils ne verraient pas venir. Pour que les gens croient et s'accrochent désespérément à leur foi, il faut la guerre, une vraie guerre, qui fait des morts en nombre et qui ne cesse jamais, et un ennemi qu'on ne voit pas ou qu'on voit partout sans le voir nulle part. 
L'Ennemi absolu contre lequel l'Abistan menait Guerre sainte sur Guerre sainte depuis la Révélation avait donc une vocation autrement plus importante, il avait permis à la religion de Yôlah d'occuper le ciel et la terre dans toute leur étendue. Personne ne l'avait jamais vu mais il existait bel et bien, de fait et par principe. S'il avait eu un visage, un nom, un pays, des frontières avec l'Abistan, c'était en ces temps obscurs d'avant la Révélation. Qui savait de quoi il était fait ? Les NoF rapportaient chaque jour les échos de cette guerre dans des communiqués haletants que les gens lisaient et commentaient avec avidité, mais comme les Abistani ne sortaient jamais de leur quartier et que le pays n'avait pas de cartes sur lesquelles on aurait visualisé les zones de combat, il avait pu sembler à certains que cette guerre n'avait de vraie réalité que dans les communiqués des NoF. C'était frustrant, mais l'arbre se reconnaissant à son fruit, ils voyaient la réalité de la guerre dans les stèles commémoratives qui se dressaient partout, rappelant de grandes batailles, portant les noms des soldats tombés en martyrs. Les noms des disparus dont parfois on retrouvait les cadavres ici et là, dans un ravin, une rivière, un charnier, étaient affichés dans les mairies et les mockbas. Le bilan était effroyable et disait bien l'attachement du peuple à sa religion. Les prisonniers connaissaient un triste sort, il se disait que l'armée les rassemblait dans des camps où ils ne tardaient pas à mourir. Des marchands racontaient avoir vu des cohortes infinies de ces captifs sur les routes, conduites vers telle ou telle de ces destinations. Ati pouvait témoigner de cela, au Sîn il avait vu des soldats égorgés, jetés dans les ravins, et sur le chemin du retour le spectacle effarant d'une colonne infinie de prisonniers tractés par une brigade motorisée de l'armée. 
Personne ne doutait que les soldats abistani capturés par l'Ennemi subissaient le même sort. La question qui torturait les esprits était celle-ci: où l'Ennemi pouvait-il bien les emmener et comment y parvenait-il dans une si parfaite discrétion? 
La Guerre sainte compte bien des mystères.

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