Oui, mais. To be or not to be ? Pied et contre-pied :
d’abord avec Robert Desnos :
La fourmi
Une fourmi de dix-huit mètres
Avec un chapeau sur la tête
Ça n'existe pas ça n'existe pas
Une fourmi traînant un char
Plein de pingouins et de canards
Ça n'existe pas ça n'existe pas
Une fourmi parlant français
Parlant latin et javanais
Ça n'existe pas ça n'existe pas
Et pourquoi pas ?
La poésie est création.
puis avec Raymond Queneau :
L'herbe
L'herbe : sur l'herbe je n'ai rien à dire,
mais encore quels sont ces bruits,
ces bruits du jour et de la nuit ?
Le vent : sur le vent je n'ai rien à dire.
Le chêne : sur le chêne je n'ai rien à dire,
mais qui donc chantonne à minuit,
qui donc grignote un pied du lit ?
Le rat : sur le rat je n'ai rien à dire.
Le sable : sur le sable je n'ai rien à dire,
mais qu'est-ce qui grince ? C'est l'huis
qui donc halète ? Sinon lui.
Le roc : sur le roc je n'ai rien à dire.
L'étoile : sur l'étoile je n'ai rien à dire,
c'est un son aigre comme un fruit,
c'est un murmure qu'on poursuit.
La lune : sur la lune je n'ai rien à dire.
Le chien : sur le chien je n'ai rien à dire,
c'est un soupir et c'est un cri,
c'est un spasme, un charivari.
La ville : sur la ville je n'ai rien à dire.
Le cœur : sur le cœur je n'ai rien à dire,
du silence à jamais détruit,
le sourd balaye les débris.
Le soleil : ô monstre, ô Gorgone, ô Méduse, ô soleil !
Ici, humour poétique est adjacent avec philosophie : le poète dit et ne dit pas. J’y vois une introduction à la question de l’être et du non-être. L’existence ! Quel mystère ! rien ne devrait exister, ce serait plus logique. Le fameux principe de Lavoisier (en fait, celui d’Épicure) interdit tout simplement l’existence de quoi que ce soit. Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. Toute genèse est donc impossible. Personne n’a encore résolu ça.
Toujours avec Ray Kenot, poursuivons sur le thème de l’existence et de la non-existence des œuvres :
Bon dieu de bon dieu que j’ai envie d’écrire un petit poème
Tiens en voilà justement un qui passe
Petit petit petit
viens ici que je t’enfile
sur le fil du collier de mes autres poèmes
viens ici que je t’entube
dans le comprimé de mes œuvres complètes
viens ici que je t’enpapouète
et que je t’enrythme
et que je t’enlyre
et que je t’enpégase
et que je t’enverse
et que je t’enprose
la vache
il a foutu le camp.
L'inspiration est une déesse qu'il ne faut pas trahir.
Avec le dessinateur Pitch, voici le dessin promis dans le comment taire d’hier et d'ailleurs, sur l’existence de Dieu, et aussi sur celle de Cabu, Tignous, Elsa Cayat, et tous les autres, et tous les autres. Ainsi que de Cavanna.

Agrandissement : Illustration 1

À présent, voici Existence, conçu par moi il y a déjà quelque temps (plus de vingt ans)
L'existence !
Les détails du contexte impressionnent les sens
vin dans l'âme qui modifie l'instant
des figures passées
et je vais dans ce temps
inventer l'aspect
d'un ange pourtant
L'existence !
Détails faunes et flores interrogent les sciences
drogues vitales qui élaborent le teint
des miroirs mondiaux
Et j'aime matin
la rosée d'un zoo
qui perd son latin
L'existence
faxe cet émoi dans l'azur et pense
à évaporer les métamorphoses
des vies contenues dans le no-mans-land des métempsycoses
à rompre sans cesse les trésors ténus
du fil conducteur du parfum des roses
L'existence !
Elle pense à caresser nues
les douleurs immenses
des démons perdus dans les avenues
du hasard social des prophètes dansent
sur les nerfs tendus jusqu'aux infrasons
d'un vaste organisme qui mime l'orgasme
et bave sans cesse une prédation
qui lacère les flots infinis des âmes
L'existence !
Elle est comme le rêve qu'un vieux schizophrène
construit dans l'espace des châteaux de cartes
mêle les valets les as et les reines
au fil conducteur du parfum des races
L'existence ! Elle est le contact
des membres bandés et des plages calmes
des soupirs secrets des cordes lâchées
et des joies futures de musique intacte