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Billet de blog 31 octobre 2018

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La girafe et le boeing

Voici le quatrième des Contes de la bécane, nouvelles structurréalistes, par Guide Malpassant

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

La girafe hésitait. La lambada, c’était pour elle un truc commercial et pas très sincère. Esthétiquement, elle était davantage portée vers le mambo. Mais elle se disait que ce ne serait qu’un début, et que par la suite, Cousin Lampadaire évoluerait. 

Elle avait aussi un peu de peine de quitter tous ses amis, certains de longue date qui l’avaient retrouvée avec joie quand elle était revenue au pays,  et d’autres plus récents, mais tout aussi chaleureux.

Le climat gris et froid de la France et de la rue Minant ne la tentait guère. Elle qui avait attendu avec tant d’impatience le jour de son retour au pays, la voilà qui retournait en exil, tout ça à cause d’un cousin un peu simplet qui avait pris racine !

Oui mais justement, il voulait se déraciner. Girafe imaginait son cousin revenant au pays, et dansant des gigues et des paso doble avec toutes les grandes saucisses que comptait le pays ( arbres, girafes, autruches, dromadaires, etc. )

Un coup de Tracto-pelle et hop ! le cousin serait libre. 

Sa décision fut prise : après la sieste, elle irait  retenir une place en Boeing 747. C’était son avion préféré, le seul qui ne lui donnât point le torticolis. En effet, le bossage situé derrière le cockpit, en donnant à la pièce une hauteur de plafond supérieure, permet aux très grandes personnes de se tenir la tête droite. C’est d’ailleurs le seul avantage du Boeing 747. Mais pour la girafe, il était déterminant. 

La girafe se réveilla à trois heures de l’après-midi. Elle avait un léger mal de tête. Elle mangea peu, quelques bananes qu’elle avait cueillies en revenant de chez Mamadou. Tout en se brossant les dents, elle songeait :

— Ça va pas me faire de mal, ce petit voyage. J’ai des sacrées valises !  Je fais trop la java et je commence à abuser du vin de palme...

Après avoir câblé à son cousin, pour l’avertir de son arrivée, elle se dirigea vers les bureaux  des compagnies aériennes.

Elle consulta les horaires et les dépliants qui indiquaient le type d’avion de chaque vol. Le Dakar-Paris du lendemain 9 heures était un 747. Cela lui laissait juste le temps d’une dernière nouba ( elle avait encore une histoire congolaise à raconter aux hérons et au zébu. ) Elle prit son billet et alla se baigner pour attendre jusqu’au soir.

En sortant du fleuve, elle fit la connaissance de girafes de l’est qui villégiaturaient à la ville. Devant un apéro, toutes ces grandes asperges évoquaient les temps mythiques de leur espèce, où leurs cous s’étaient allongés pour parvenir à manger les feuilles en hauteur des arbres. Girafe, qui était très cultivée, exprima son désaccord sur cette théorie. Les historiens structuralistes avaient au contraire émis l’hypothèse que c’est les arbres qui avaient grandi pour se protéger des incisives des girafes. Girafe en voulait pour preuve l’existence des Lampadaires : ceux-ci ne mangeaient pas les feuilles des arbres, ils ne mangeaient d’ailleurs rien du tout, et cela ne les avait pas empêché d’être aussi grands, si ce n’est plus, que les girafes. 

Ses nouveaux amis girafes se récrièrent :

— Des lampadaires ! Mais qu’est-ce que c’est qu’ça ? N’êtes-vous pas victime d’hallucination ?

La conversation s’animait, aidée par le vin de palme. Tant et si bien que Girafe proposa à ses nouveaux amis de venir avec elle en France, rendre visite à son cousin Lampadaire, qui vivait parmi les arbres, sans les croquer, et qui même en avait assez et voulait s’en aller...

Et c’est ainsi que toute une bande d’ongulés pris place sous le bossage du 747, et débarqua à Roissy, après un vol joyeux, animé par des histoires de Darwin, de Lévy-Strauss, de Lampadaires et de Congolais.

Illustration 1

La fin de cette histoire, Les girafes et le lampadaire, paraîtra bientôt dans cette édition.

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